L’esquisse ou le dessin évanescent dans la poésie de Sylvia Plath — Nathalie Schleif

Entrée

Au lieu de nommer image ce qui se trouve en constant mouvement et devenir dans le phantasmer de la phantasia, utilisé souvent comme synonyme d’imagination, nous allons mettre à l’épreuve la notion d’esquisse afin d’être au plus proche de ce qui de manière si animée se présente dans ce que les Grecs ont appelé phantasia. Comme première entrée dans cette notion nous nous concentrerons non pas sur des esquisses préparatoires d’œuvres ou sur des esquisses n’appartenant à aucune œuvre achevée, si l’esquisse se doit d’appartenir à quelque œuvre ; notre attention se consacrera plutôt à suivre la trace du geste et ce qui en lui se forme toujours encore autrement sous le regard du lecteur. En effet, il ne sera pas question de dessins graphiques, mais de poésie qui convoque le phantasme, la phantasia qui alors se met à esquisser, à forger ce qui est suggéré par les vers. Nous resterons tout le long de la première partie sur les poèmes d’un seul auteur : Sylvia Plath. Ce choix est exclusif afin de se laisser saisir par ce qui se déploie dans la phantasia à partir d’un seul style où certaines figures reviennent à plusieurs reprises. Le style est marqué par le rythme des figures apparaissantes (et non seulement rhétoriques) et le choix de leur tonalité, à l’oreille et sous l’œil intérieur du regardeur. Si le rythme et la figure reviennent comme même dans le déploiement du style, ce sont elles qui portent la marque de reconnaissance, l’identique du même. Or, pourrons-nous nous demander, est-ce que ceci n’est pas une injonction allant à contre-sens d’un devenir poétique où l’inouï soudain se fait entendre ? Aller hors de la quête du reconnaissable, d’un style prétendu déterminé, à la rencontre d’une poétesse, Sylvia Plath, afin d’écouter ce qui du stylet s’inscrit en notre ouïe et affectivité. Ceci sera l’interrogation du développement suivant.

Afin de garder la proximité aux poèmes, il est indispensable de lire en premier lieu la version originale anglaise. Sa traduction figurera juste à côté ou en-dessous. Certaines figures ne sont traduisibles que dans leurs manières de se déployer en le phantasme, non de manière littérale où les tonalités, l’originalité figurale et la temporalité dans laquelle nous plonge la lecture ne peuvent se transposer. Nous traduisons donc en mettant l’accent sur le sens d’éploiement des figures évoquées selon l’articulation en langue anglaise ; le sens de ses figures phantasmées formera la priorité des traductions en même temps que ce sens est toujours évanescent, car s’effectuant. Par conséquent, dans les analyses nous nous éloignons des traductions connues de Françoise Morvan et de Valéry Rouzeau que nous citons cependant au moment de l’exposé où le poème entier est lu. À ce moment nous voudrions exprimer notre gratitude face à une présentation de Sylvia Plath par Sylvie Doizelet (1) qui, dans son introduction à l’édition ici utilisée, tisse en un ensemble si admirablement la poésie, aux écrits épistolaires et extraits de journaux intimes. Les traductions et la présentation, entre autre, nous ont été d’une aide précieuse et fidèle dans notre lecture et analyse. (2)

Pour des questions de droits d’auteur, nous ne pouvons donner en intégralité les poèmes de Sylvia Plath dont nous traitons dans cet article.

Les arbres d’hiver

Premier tableau, première « traversée » (Crossing the water, 1962), pour aller dans l’esquisse que Plath nous donne déjà dans le titre d’un de ses poèmes : Les arbres d’hiver, qui est aussi le titre d’un recueil posthume qui rassemble des poèmes de 1961 et 1962.

The wet dawn inks are doing their blue dissolve. On their blotter of fog the trees Seem a botanical drawing – Memories growing, ring on ring, A series of weddings.

L’aube ne jaillit pas ici, lentement elle s’infiltre, se répand, dilue ce qui se représente en même temps disparaissant : la dense obscurité de la nuit. Avec l’aube, alors, s’ouvre l’espace et plus précisément le fond comme première lumière afin d’éclairer ce qui suit.

Ensuite disparaît l’aube croissante, le fond, et apparaît la brume, support mouvant des arbres, dessinés avec précision, d’un trait qui cerne l’apparence comme si elle remontait de l’arrière d’un papier buvard.

Puis, l’estampe nous quitte et advient un mouvement abstrait, emprunté à la croissance des arbres : la temporalité qui se traduit en accroissement « anneau sur anneau/Une suite de mariages ». La figure de l’arbre ne se déploie pas graphiquement, car il s’agit là de ce que Sartre appellerait une « illusion d’immanence »(3): appeler graphique un phantasme voudrait dire qu’il est appréhendé en une spatialité, or, il n’est que signifié par, mais bien éprouvé et figuré à partir du langage. Une esquisse en phantasme, comme métaphore, s’articule comme un espace intérieur où se figurent en miroir les sensations perçues. L’esquisse n’est alors point une image, dans son aspect figé. Maldiney en relève la différence en développant plutôt le travail de l’image : « …une esquisse du monde, (qui est) ouverte et non thématique »(4) ne se reconnaîtra jamais en tant que « modèle intérieur » par ailleurs, mais se constituera comme « phantasme sensible »(5). Alors, le phantasme ne se répète pas, il n’a aucune insistance dans un re-jaillir comme l’œuvre achevée que l’on revoit lorsqu’on est devant l’objet concret et percevable. L’on recrée l’esquisse des encres mouillées dans une affectivité tout à fait unique, fragile en ce qu’elle ne garantit jamais l’émergence de l’esquisse une autrefois éprouvée. Le phantasme sensible n’est répétitif qu’en son rapport à la chose vue, mais non son affectivité ressentie à l’instant et dont le mode s’effectue à un niveau kinesthésique, non mnémonique. Tandis que l’image « transcende la figuration »(6) dans son pouvoir de devenir modèle, et ainsi revient, se répète -et non se réitère, l’image est alors différente, mais reconnaissable en ses traits identitaires-, l’esquisse se montre en toute son évanescence comme figuration et affection.

Suivons alors le mouvement du jaillissement(7) où le dessin apparaît spontanément avant de se dissoudre dans un prochain dessin ou avant que le poème s’évanouisse dans sa fin. C’est dire qu’au sein même d’une œuvre finie, achevée, la spontanéité du jaillissement persiste en puissance et avec elle, son écoulement, puis, sa fin. À partir de ce mouvement d’apparaître et de disparaître, le poème n’est pas donné pour toujours, il est donné dans une temporalité, sa possibilité de présence et d’absence, et donc par la mise-en-face, ce qui est posé devant soi comme ce qui s’effectue (Vorstellung en allemand) qu’il nécessite : la conscience face à la chose qui intègre le flux des cogitations dans un mode imagé-affectif. Qu’est-ce qui vient après l’évanouissement de l’esquisse ? Qu’en est-t-il de ce flux continu apparemment, mais au font ne pouvant s’articuler qu’à travers des coupures qui articulent l’apparaître et le cogiter ? Son néant réside ailleurs, mais de ceci il ne sera pas question dans cet exposé.

Ce qui jaillit avec l’esquisse comme mouvement -et donc continue en-deçà de la figure formée à former la figure- est son pouvoir d’émerger, de dépasser la limite entre le fond du vide et l’apparaître, non la faculté phantasmante, mais le faire du phantasme, ce qui fait l’apparition, (Erscheinung avec la même ambiguïté entre l’apparition perçue et en elle imaginée). C’est dire qu’avant l’image saisie en l’esquisse de l’arbre émergeant, aucune image, donc aucun reconnaître n’a lieu. La conscience phantasmante révèle l’esquisse. L’instant d’une parfaite étrangeté précèderait le motif de l’image, sa forme qui rappelle et convoque le jugement. L’esquisse porte encore en elle le blanc de la page, le moment de son inexistence dans lequel devient le phantasme sensible. Le blanc de la page, n’est encore une fois que métaphore, mais nécessaire pour dire ce qui ne se représente pas en l’imagination et à partir de quoi l’imagination ne peut nécessairement que fonctionner : l’absence d’image qui force la représentation- quelque chose plutôt que rien.

Ainsi, la séparation de l’image et de l’esquisse nous paraît impossible à faire : en l’image travaille l’esquisse comme ce qui l’indécide et par là la crée ; en l’esquisse, l’image ne forme que le fantôme d’un déjà-vu, ce « Urbild« (8) (l’image originelle) dont parle Nietzsche lorsqu’il juge mensonger notre usage des mots qui tiendrait pour plus vrai la feuille générale comme Urbild que la feuille particulière que je vois, cette présence dépourvue d’absence, alors que l’imaginé et une présence sur fond d’absence.

Revenons à Plath après cette réflexion :

À partir de ce qui se déploie dans l’esquisse des arbres d’hiver, se développe le mouvement ascendant ou accroissant des souvenirs l’un avec l’autre et l’un après l’autre. Il apparaît à son regard que les arbres sont

Purs de clabaudage et d’avortements, Plus vrais que des femmes, Si aisément, ils sèment !

De par leur constance naturelle et identique à elle-même (« waist deep in history« ), ces arbres « sont » des « Ledas », des « Pietàs » évoqués comme des images de ce pouvoir d’apparition et pouvoir de vivre qui sous-tend tant d’œuvres… une reconnaissance de ce qui s’en va déjà en ne laissant derrière lui qu’un dessin de mots qui reste, sans esquisse. L’esquisse et l’image se séparent en ce qui apparait croître en les arbres (apparaître du pur mouvement, l’esquisser de l’esquisse) et ce qui reste à distance, bien en face du regardeur sur son fond d’inexistance.

Full of wings, otherworldliness. In this they are Ledas. O mother of leaves and sweetness Who are these pietàs ? The shadows of ringdoves chanting, but easing nothing.

Plein d’ailes, ouverture à l’au-delà. En cela, ils sont des Léda. Ô mère des feuillages, mère de la douceur Qui sont ces vierges de pitié ? Les ombres de ramiers chantant leur rengaine, n’allégeant rien.

En l’esquisse se déploie le mouvement du geste possiblement in-fini, -objet inatteignable à l’instar de ces arbres qui deviennent images-modèle d’un pouvoir-vivre. Le chant lui-même ne semble plus partir dans un ailleurs, il est rengaine, mouvement qui demeure en dernière instance immobile et ne saurait de ses ombres alléger la gravité : « easing nothing », n’allégeant, ne soulageant rien. La lourdeur qui demeure, cachée au début de l’esquisse, se fait sentir lorsque de leurs mouvements purs, ne connaissant ni clabaudage, ni avortement, les arbres engendrent simplement et librement la vie. Des femmes cependant connaissent et engendrent avec corruption et un certain mal qui est difficilement nommable et descriptible à partir de ce seul poème ; ce mal reste secret. Au centre se dessine ainsi la génération de la vie advenant au regard comme une étrangeté divine, à la manière d’un mouvement constant, non-corrompu, libre. Autrement, voire inversement comme il semble, avec « moins » de vérité, des femmes peuvent rompre la génération, « connaissent » l’arrêt. Si l’arrêt est la mort ou encore la rencontre du néant, nul vers ne nous le dit. Or, du néant et de la mort comme fond où la figure atterrit, trouve appui paradoxalement, donne aussi le lieu où elle se termine -mais non ne recommence- sous-tend à maints moments la poésie de Plath.(9) Dans le poème Child (Enfant) notamment, l’ouverture du poème se fraye un chemin à partir de l’œil d’un enfant. Et se termine avec le ciel sans étoiles, les mains tordues qui ferment le poème. Le dire se clôture lorsque le regard touche à l’image du néant ; il touche et s’évanouit(10).

« Otherworldliness » n’est traduisible qu’en l’explicitant par énoncé : ces arbres deviennent l’image de ce monde autre, qui même en son fond est plein, en mouvement : « buvard de brume ». Sensible n’en demeure que le mouvement en acte qui donne l’esquisse de la puissance elle-même du début du poème et ne trouve de fin en le regardeur dans son être autre, sa non-identité d’avec ce qui ne devient pas œuvre, mais jaillissement ou plutôt une infiltration dans la reproduction de l’espace vu et la sensation phantasmatique. La puissance d’engendrement quitte dès lors les mots et le regard pour se retrouver dans l’advenue de l’esquisse.

La flamme dans le trait – l’évanescence

Le poème Wuthering Heights, en référence au roman d’Emily Brontë, est une visite singulière du paysage des Hauts de Hurlevent qui commence en invoquant le ciel :

The horizons ring me like faggots Tilted and disparate, and always unstable.

Les horizons m’encerclent comme des fagots Vascillants, disparates et toujours instables

L’horizon n’est ni une ligne tracée, ni un approfondissement de l’espace, allant du monde à l’infini ; les horizons ici encerclent, s’éparpillent, l’horizon est fragmenté en plusieurs traits, multiples sont leurs lignes qui brûlent et diffusent dans le ciel la couleur de sa chaleur.

Le ciel gagne en lourdeur et en corps, l’esquisse se compose. Les fagots embrasés

Weighting the pale sky with a solider color. But they only dissolve and dissolve Like a series of promises, as I step foreward.

Lestent le ciel pâle d’une couleur plus solide Mais seulement se dissolvent, se dissolvent Comme une suite de promesses, lorsque j’avance.

Face à ce qui prend chair ou enveloppe, les feux apparaîssent en se consumant et s’évaporent dans le ciel. Lorsque le regardeur avance, il est assujetti à un retournement mélancolique sur le temps qui passe et même le temps futur se destine à passer, et les couleurs qui se dissolvent inéluctablement et définitivement : tout ce qui apparaît se désagrège, se perd. L’instabilité des horizons est faite de feu qui dissout continuellement, défait ce qui est fait. Cette instabilité comme le rappelle Doizelet avait désespéré Plath à plusieurs niveaux, et notamment celui-ci: « Le temps : vague colossale, la marée qui déferle sur moi, me noyant, me noyant. « (11) À un autre moment, Plath dit: « Comment trouver cette permanence, cette continuité avec le passé et le futur ? » L’évanescence apparaît ici sans trouver sa solution dans la constance du mouvement pur : l’horizon se consume et avec lui ce qui a pris corps.

L’apparition des arbres d’hiver aussi se manifeste en sa puissance de vivre, non de vie, car ce que contemple la poète est, non un principe métaphysique (There is no life higher than the grasstops , « Il n’y a pas de vie plus élevée que la pointe de l’herbe verte »), mais bien ce « faire » comme automaton qui, totalement indépendant de son regard, vient s’y déployer et l’habiter de manière passagère.

If I pay the roots of the heather Too close attention, they will invite me                      To whiten my bones among them

Si je m’attarde sur les racines de la bruyère, trop longtemps, elles m’inviteront parmi elles pour y blanchir mes os.

La mort du poème, symbolique, en laquelle le regardeur trouve sa fin et sa destination, l’appelle par les racines de la bruyère. En cela, la mort est le moyen pour rejoindre le devenir du paysage, peut-être ce devenir simple sans corruption, sans arrêt, sans mouvement d’aller-retour. Le blanchiment des os auquel la poète se sent invitée rejoint l’idée de la pureté de ce qui en ce paysage devient. Également, le regard des moutons l’absorbent (take me in), la ravissent dans l’espace (It is like being mailed into space/A thin silly message) dans lequel elle est envoyée mince, ridicule. Restant avec ces moutons, ils deviennent eux-même ridicules, laids, incongrus dans un paysage déchiré entre l’Absolu insaisissable, devenir pur, et ce qui comme élément, le vent, menace sa vie (I can feel it trying/To funnel my heat away) : la bruyère qui l’invite à la métamorphose pour un corps enfin accueilli ou encore l’anéantissement la regarde par l’œil de la pupille (the black slots of their pupils take me in).

The grass is beating its head distractedly. It is too delicate For a life in such company; Darkness terrifies it.

L’herbe effarée cogne, balance sa tête. Elle est trop délicate Pour une vie en une telle compagnie; L’obscurité la terrifie.

La fragilité déposée en ces brins d’herbe demeure dans cette tonalité affective, Stimmung, et crée la tension d’avec ce paysage, banal en ces éléments, tout empreints de violence.

Dans tous ses rapports avec le paysage bien connu des Wuthering Heights,le corps s’y meut phantasmatiquement sans y trouver sa place. The sky leans on me, me, the one upright/Among all horizontals : elle semble étrangère, esseulée parmi l’horizontalité propre au paysage. Comme un rêveur jeté dans la situation du rêve, elle rencontre ce paysage jusque dans sa nuit pour voir enfin de la lumière dans les maisons ; un retour elliptique au feu et en même temps à son être-regardeur toujours exclu de ce qu’il regarde.

Une fois que le ciel s’est éteint, s’allument au loin les fenêtres des maisons et la poétesse demeure en retrait, comme évanouie dans le ciel.

1 Plath, Sylvia, Arbres d’hiver suivi par La traversée, trad. Morvan, Françoise, Gallimard, Paris, 1999, p. 14/15.

2 Citons, à titre indicatif, quelques exemples de poèmes qui nous rendent la présence de ces espaces sans vie qui pèsent, voire vainquent le regardeur ou bien reposent sur l’enfant regardé : Nick and the candlestick, oct. 1962, Lady Lazarus, oct. 1962, Mirror, oct. 1961.

3 Nous traduisons:
Ton œil clair seul est d’absolue beauté. Je veux y couler des coqs, des couleurs, Toute une jonglerie clinquante Dont tu médites les syllabes – Calumet, jonquille, Minuscule Plant sans ride, Mare où les images Devraient se parer de grandeur classique Non pas ce trouble, Ces mains tordues, ce noir Plafond sans étoiles.

4 Sartre, Jean-Paul, Imaginaire, Folio, Paris, 2005, p. 17

5Maldiney, Henri, Regard, parole, espace, Cerf, Paris, 2012, p. 284.

6 Husserl, Phantasie, Bildbewusstsein, Erinnerung 1898-1925 Zur Phänomenologie der anschaulichen Vergegenwärtigungen, sous la dir. de Marbach, Eduard, Nijhoff Publishers, Den Hague, Boston, Londres, p. 11. « Den Wahrnehmungen liegen Empfindungen zugrunde, den Phantasien die sinnlichen Phantasmen. » (Les perceptions reposent sur des affections, les phantaisies reposent sur les phantasmes sensoriels.) La phantasia dans ce premier chapitre est réfléchie comme Auffassung que nous traduirions par manière de saisir quelque chose, qui n’est donc plus une faculté psychique, ce qui fait l’apparition du phantasme, elle est pensée comme un mode par lequel la conscience saisit et pose. Nous n’avons nullement l’espace ici d’approfondir l’analyse si différenciée, précise et ample -comme aucune autre à ce sujet- de Husserl. Retenons ici le minutieux, mais important aspect qu’un phantasme relève lui aussi de la sensation et ne peut être envisagé comme une fiction envisagé sous son sens qui ne lui accorde aucune réalité. Le phantasme est Erlebnis, expérience (pour approfondir la modalité de cette expérience, v. chapitre 16 de l’ouvrage) et le poème est ici ce qui nous fait face comme texte perçu et comme phantasme corrélatif.

7 Maldiney, op. cit.

8 L’esquisse, dans sa signification originelle désigne « jaillir », « gicler » : « Une tache que fait un liquide qui gicle » dit Boccace. « Esquisser » a une parenté avec « éclisser » (étymon de schizzare) : « Se fendre en éclat (d’une lance) », dit la chanson de Roland. Ces deux usages ont deux choses en commun : le mouvement rapide qui engendre la tache ou l’éclat, et le mouvement qui n’intentionne ni la tache, ni l’éclat qui sont donc des résidus de l’action l’éclisser. Ainsi, l’esquisse engendrée se présente d’abord comme effet marginal, mais porte en son informité la trace du geste.

9Nietzsche, Friedrich, « Introduction théorique sur la vérité et le mensonge au sens extra-moral », Le livre du philosophe, version bilingue, Flammarion, Paris, 1969, p. 187.

10 Plath, Sylvia, Arbres d’hiver précédé par La Traversée, Gallimard, Paris, 1999.

11 Entrent en considération de nombreuses sources non exhaustives ici, mais les plus importantes qui ont nourri nos recherches et regards sur l’oeuvre de Plath : Sylvia Plath The collected Poems (1992), dir. Hughes, Ted, Harper Perennial, New York, 2008 ; The unabridged journals of Sylvia Plath, dir. Kukil, Karen V., Anchor, Washington D.C., 2000 ; Eye rhymes Sylvia Plath’s art of the visual, dir. Connors, Kathleen et Bayley, Sally, Oxford University Press, 2007 ; Sylvia Plath Drawings, dir. Hughes, Frieda, Faber & Faber, London, 2013.


CATEGORIES : L'esquisse et l'Indécis/ AUTHOR : Nathalie Schleif

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