Kaoutar Elouahabi nous offre une traversée extrêmement sensible des écritures poétiques de trois femmes : Annie Ernaux, Hélène Cixous et Leïla Slimani afin d’y décéler ce qu’il y a de plus charnel dans la trace offerte par le souffle. Explorant rythme et cadence, quand il est retenu ou on contraire presque craché, le souffle poétique, loin de celui des muses chanté par Hésiode, devient la marque de tout ce qui a été tu et qui ne saurait rester enfermé. De la voix à l’écriture, le langage est énergie corporelle qui scelle le passage entre intériorité et extériorité.

Le souffle d’une femme ne s’écrit jamais sans une blessure. C’est la langue qu’elle arrache au silence.
Il est des souffles qu’on n’entend pas, ou à peine, discrets, fugitifs, comme des traces dans la lumière. D’autres hurlent à travers la peau, percent le silence, lacèrent la page. Le souffle : cette matière impalpable, qu’on réduit souvent à une fonction vitale, mais qui est bien davantage. Il est la première pulsation du vivant, ce battement intime qui relie le corps au monde, la mémoire à la langue, le silence à la nécessité de dire. Il précède la parole, la soutient ou l’interrompt. Il la fait trembler, la retient, ou l’arrache à l’intérieur. Dans l’espace littéraire, il n’est pas un simple effet de rythme : il devient écriture en soi, respiration textuelle, scansion corporelle, vibration de l’être dans le langage.
Dans l’écriture contemporaine, et plus encore dans celle qui engage le corps féminin comme lieu de mémoire, de blessure et de révolte, le souffle prend une densité singulière. Il ne dit pas seulement : il palpite. Il fait entendre le dessous de la parole, ce qui s’écrit dans les creux, dans les suspensions, dans les reprises incertaines. Écrire, ici, c’est reprendre souffle après la chute, c’est haleter dans la langue, faire affleurer ce qui résiste à l’expression. L’écriture se fait alors souffle coupé, souffle retenu, souffle déployé ; tout un lexique du vivant et du vulnérable, une syntaxe du corps à l’épreuve de l’histoire.
Dans cette perspective, parler d’écriture féminine ne revient pas à définir un style biologique ou à figer une catégorie. Il s’agit moins d’une appartenance que d’un geste : celui d’inscrire dans le texte un rythme intérieur, une expérience incarnée, une forme de résistance poétique. L’écriture devient le lieu d’un souffle qui échappe à la norme, qui refuse le logos dominant, qui s’invente à même la chair. Hélène Cixous, dans ses textes traversés de feu et d’excès, parle de cette nécessité d’« écrire le corps », de faire respirer sur la page ce que les siècles ont tenté d’étouffer : la voix, le désir, la douleur, la jouissance, tout ce qui déborde le langage figé.
Le souffle, dans ce contexte, est politique. Il porte en lui les traces de l’oppression, mais aussi les élans de l’émancipation. Il est mémoire vive, geste de survie, tension entre silence et cri. Il relie l’individuel au collectif, le charnel à l’historique. Il fait entendre ce qui, longtemps, a été maintenu sous le seuil de l’audible : la respiration d’un corps nié, le murmure d’une subjectivité empêchée. En cela, il devient un lieu d’insurrection : contre les silences imposés, contre la transparence attendue, contre les cadences convenues. Chaque souffle retrouvé est une déchirure dans le tissu du langage dominant, une ouverture dans la structure du discours. ?
Virginia Woolf, dans, Une chambre à soi, écrivait qu’
Il faut de l’argent et une chambre à soi pour écrire un roman 1
Cette chambre, pourrait-on dire, est aussi un thorax symbolique, un espace intérieur où l’air peut circuler, où l’esprit peut battre librement. Pour les écrivaines contemporaines, cette respiration — au sens plein, vital, poétique — est souvent ce qui reste quand tout manque. Là où les mots s’effacent, le souffle persiste. Là où la syntaxe chancelle, il soutient l’élan. Il devient ce lieu fragile mais tenace où se joue une autre manière d’écrire : depuis le dedans, depuis l’étouffement, depuis l’interstice.
Cet article s’inscrit dans une lecture croisée et poétique du souffle comme trace du corps féminin dans la littérature contemporaine. Non pour essentialiser ce corps, ni le réduire à sa matérialité, mais pour explorer ce que son souffle engage dans le texte : une tension, une mémoire, une lutte. Il ne s’agit pas de constituer un corpus figé ni d’enfermer la littérature dans des frontières sexuées, mais de suivre le souffle, ce battement discret ou rageur, là où il trouble, ébranle, révèle. Le souffle devient ainsi matière critique, signe vivant, vecteur d’une poétique incarnée.
À travers les œuvres d’Annie Ernaux, d’Hélène Cixous et de Leïla Slimani, ce travail interroge la manière dont le souffle, risée, suspendu, haletant ou libéré, construit une poétique de la chair, une écriture du corps qui dit autant par ses silences que par ses mots. Ces trois autrices, issues d’horizons et de générations différentes, partagent une même attention à ce qui palpite dans l’ombre des phrases : mémoire de classe, mémoire coloniale, mémoire intime. Leur souffle est parfois celui de la honte, du désir, de la peur, de l’indocilité. Il est rythme de survie, cri retenu, murmure qui insiste.
Car écrire le corps, c’est souvent écrire le souffle. Et écrire le souffle, c’est dire la lutte d’un corps pour se faire entendre, pour ne pas disparaître. Entre murmure et insurrection, ces textes proposent une nouvelle écoute de la langue, une écoute depuis la gorge, le ventre, la peau. Le souffle y est présence fantomatique ou éclat de voix, il est battement de mémoire, il est syntaxe sensuelle, politique, fragile.
C’est cette tension féconde entre chair et langue, entre silence et dire, entre oppression et libération, que nous souhaitons explorer. À travers une lecture attentive de leurs œuvres, nous suivrons le souffle comme fil conducteur d’une poétique du corps féminin, un fil tendu entre l’intime et le politique, entre la blessure et le geste d’écriture.
Notre parcours commencera avec Annie Ernaux, dont l’écriture, apparemment dépouillée, laisse affleurer un souffle à la fois social et organique. Un souffle souvent brisé, court, rythmé par l’effort de dire l’indicible. Nous verrons comment, dans son œuvre, la mémoire collective, les déterminations de classe et la violence intériorisée trouvent leur forme dans un souffle textuel à la fois contraint et libérateur.

Chez Annie Ernaux, le souffle n’est jamais pur lyrisme. Il est charge, tension, ancrage dans un réel brut, sans fard. Écrire, pour elle, n’est pas ornement mais nécessité. Le souffle devient alors syntaxe d’une mémoire hantée, inscription d’un corps social dans une langue dépouillée, tendue entre la retenue et la lucidité. Loin des élans exaltés, le souffle d’Ernaux est celui d’un corps qui se souvient, qui se heurte, qui se débat. Un souffle souvent court, retenu, comme si l’écriture elle-même se faisait sur une apnée.
C’est dans ce paysage fragile et dense que s’inscrit l’écriture d’Annie Ernaux, dont le souffle est d’abord un souffle entravé, marqué par le poids d’une mémoire sociale douloureuse, par les blessures invisibles infligées au corps féminin, et par les silences qu’imposent la honte et l’oppression. Son écriture, à la fois simple et incisive, laisse deviner dans ses phrases haletantes la lutte pour reprendre possession de ce souffle brisé, cette voix retenue, ce corps trop longtemps nié.
C’est à travers son œuvre, ancrée dans une réalité intime et collective, que l’on peut percevoir l’une des formes les plus poignantes de cette poétique du souffle : un souffle qui se cherche, se dérobe et renaît, un souffle qui fait vibrer à la fois la chair et la mémoire, et qui trace, dans le langage, la cartographie d’une existence féminine traversée par le temps, l’histoire et la douleur.
Le souffle dans l’écriture d’Annie Ernaux est le reflet intime d’un corps socialisé, à la fois prisonnier et résistant. Dans Les Années, œuvre emblématique et monumentale, le souffle narratif épouse un rythme fragmenté, oscillant entre souvenirs personnels et mémoire collective. Ernaux écrit :
Je respire mal, l’air est vicié, les années passent comme un souffle court, une respiration saccadée.2
Cette phrase simple porte la tension d’une existence prise dans le tumulte du temps, dans l’enfermement d’une condition sociale et genrée. Le souffle court symbolise ici à la fois l’épuisement et la lutte d’une femme qui traverse les décennies, marquée par le poids des conventions et des silences imposés.
Dans La Place, récit autobiographique où Ernaux interroge la disparition de son père et l’héritage social qui l’accompagne, le souffle devient un rythme douloureux, presque haletant, qui fait sentir la présence absente, le poids d’un non-dit familial. Elle écrit :
Le silence s’insinue, le souffle se fait rare, suspendu entre les murs de la maison vide.3
Le souffle est ici synonyme d’absence et d’effacement, mais aussi de cette respiration suspendue qui garde en mémoire ce qui n’est plus dit. Le corps du père, bien que disparu, respire encore dans les mots, dans l’espace du texte.
Ernaux maîtrise cette poétique du souffle retenu qui rend palpable l’oppression sociale et le poids des classes. Dans L’Événement, où elle raconte son avortement clandestin, le souffle devient un vecteur d’angoisse et de douleur, la respiration haletante d’un corps traversé par la peur et la révolte. Elle évoque ainsi :
Mon souffle se heurte au silence de la chambre, chaque respiration est un cri contenu, un effort pour ne pas se briser.4
Cette dimension organique du souffle, entre douleur et résistance, donne une texture presque tactile au récit, où la chair se fait présence vive dans l’écriture.
Mais au-delà du souffle entravé, l’écriture d’Ernaux est aussi souffle de libération. Par l’acte d’écrire, elle redonne voix à ces corps silencieux, à ces souffles étouffés, et transforme la mémoire en une pulsation vivante. La simplicité apparente de son style se fait alors instrument d’une poésie discrète mais puissante, où chaque phrase respire d’une intensité bouleversante.
Ainsi, le souffle dans l’œuvre d’Annie Ernaux est un lieu de tension entre oppression et émancipation, un rythme qui donne chair à la mémoire, au corps, et à la voix. C’est dans ce souffle-là que s’inscrit la force de son écriture, une respiration qui fait vibrer l’intime dans le langage, et révèle l’invisible.
Dans L’Événement, le souffle atteint un autre régime : il devient rythme de la peur, de l’attente, de l’insupportable solitude d’une jeune femme confrontée à l’inhumanité du système. Il ne s’agit plus d’un souffle suspendu, mais d’un souffle haletant, précipité, marqué par le risque, la honte, la clandestinité. Ernaux écrit dans une langue nue, presque blanche, mais cette nudité est précisément ce qui permet au souffle de surgir avec d’autant plus de force :
Je n’avais plus qu’un but : que tout cela soit fini, qu’un jour je puisse respirer normalement, sans arrière-pensée.5
Le souffle devient ici horizon — celui de la libération, de la fin de l’angoisse, mais aussi de l’écriture comme traversée de l’oppression. La respiration n’est pas donnée d’emblée : elle est conquise. Il faut passer par l’étouffement pour en retrouver la possibilité.
Dans Les Années, Ernaux opère un geste encore différent. Le souffle s’y étire, devient ample, collectif. L’écriture, construite comme un long ruban de mémoire impersonnelle, épouse une respiration continue, presque cyclique, comme un poumon qui se dilate au rythme des décennies. Le « on » narratif substitue à la subjectivité aiguë des récits précédents une sorte de souffle commun, anonyme, qui fait du texte un espace de résonance historique. Ce passage est emblématique :
Tout est devenu plus rapide, le souffle des choses s’est accéléré. Nous avons appris à parler vite, à courir, à avaler les jours.6
Ici, le souffle est celui du monde, de la modernité, de l’histoire qui traverse les corps. Ernaux, sans jamais renoncer à sa propre voix, se dissout dans un flux collectif. C’est une respiration plus vaste, mais non moins marquée par l’urgence.
Ce qui relie ces différents régimes du souffle, c’est leur ancrage dans le corps social. Le corps féminin, chez Ernaux, est toujours situé : genré, classé, exposé. Le souffle n’est donc jamais simplement physiologique ou stylistique : il est politique. Respirer, c’est résister. C’est affirmer une présence dans un monde qui cherche à la réduire, à la taire.
Et c’est précisément dans la tension entre la suffocation et l’expression que se forge la singularité de cette écriture. Le souffle ernaldien n’est pas le fruit d’une esthétisation du langage, mais la trace d’un combat. Un combat pour dire ce qui ne se dit pas. Pour faire surgir dans la langue les battements inaudibles du réel.
Dans cette perspective, l’écriture devient un organe respiratoire, une extension du thorax, un espace où le corps féminin peut, enfin, reprendre souffle — même si ce souffle est parfois coupé, rauque, difficile.
Annie Ernaux ne cherche pas à sublimer la douleur, mais à l’habiter. À la traduire en une respiration textuelle qui, en se refusant aux ornements, touche à l’essentiel : la chair nue de l’expérience.
Le souffle chez Annie Ernaux ne se contente pas de traverser les récits : il les structure, il les sous-tend, il leur imprime un tempo vital, fragile, inégal, comme une respiration troublée par l’histoire intime et collective. Dans ses textes, l’écriture devient lieu de friction entre le silence et le cri, entre la peur d’être lue et l’irrépressible nécessité de dire. Ce souffle porte donc en lui une tension fondatrice : il naît du tiraillement entre la retenue et l’épanchement, entre l’opacité du souvenir et la clarté violente de sa mise en mots.
Il faut noter combien la ponctuation joue un rôle essentiel dans cette orchestration du souffle. Les virgules, fréquentes, agissent comme des micro-respirs, marquant des pauses brèves dans un flux souvent haletant. Les points, quant à eux, sont secs, tranchants, comme s’ils coupaient la parole avant qu’elle ne déborde. L’écriture ernaldienne ne respire pas dans la complaisance : elle découpe, elle compresse, elle fragmente, elle suspend. Elle avance avec la régularité inquiète d’un cœur sous tension.
Dans Une femme, le souffle devient élégie contenue, battement discret d’un chagrin social. La mère y est décrite à travers ses gestes, ses silences, son corps épuisé de femme populaire. La narratrice ne crie jamais sa douleur. Elle l’infiltre dans une prose austère, où chaque mot semble pesé à l’aune d’un deuil plus vaste que l’intime :
Ma mère est morte un lundi de janvier, en fin d’après-midi.7
Encore une fois, la phrase est minimale, presque clinique. Et pourtant, c’est tout le souffle de la perte qui s’y engouffre. L’usage du présent, ou d’un passé sans affect apparent, crée un effet de déflagration contenue. Le deuil ne se dit pas : il se respire, il se tisse dans une langue qui ne se donne pas le luxe de la plainte.
Ce refus de l’emphase est en soi un geste politique. Il permet au texte de ne pas céder à la séduction du pathos, mais de porter, dans son minimalisme même, une densité affective d’une rare intensité. Le souffle devient alors une contre-rhétorique, une manière d’écrire à rebours des styles dominants, de donner une forme à ce qui, dans l’existence féminine et prolétaire, a longtemps été tenu pour sans langage.
Il faut comprendre ici que le souffle, chez Ernaux, n’est jamais pur. Il est toujours traversé : par la honte, par la mémoire, par la lutte des classes, par la condition féminine. Il est, en ce sens, politique jusque dans ses étranglements. Si l’on peut parler de « poétique du souffle », c’est donc à condition de reconnaître en elle une tension éthique : celle de dire vrai, de tenir ensemble la voix, le corps et le monde, sans jamais céder à la facilité du style.
Ernaux écrit en apnée pour mieux faire surgir la respiration enfouie de celles que l’Histoire n’a pas su entendre. Son écriture devient ainsi espace de réinvention du souffle : non pas un souffle grandiose ou sublime, mais un souffle tenu, ténu, obstiné, comme un murmure qui persiste malgré tout, contre tout.
Ce souffle-là, parce qu’il refuse la théâtralité, touche à l’essentiel. Il est souffle de survie, de résurgence, d’ancrage. Il n’élève pas la voix : il creuse. Et dans cette excavation lente, patiente, il rejoint d’autres écritures qui, comme celle d’Hélène Cixous, tentent de faire vibrer le langage depuis le corps non plus dans la retenue, mais dans une exubérance vitale, torrentielle, libératoire.

Chez Hélène Cixous, le souffle n’est pas une ponctuation de la parole : il est son principe vital, sa source première, son tremblement sacré. Il précède le mot, le déborde, le rend poreux. Il n’est pas ce qui régule, mais ce qui traverse. Il est plus que rythme : il est souffle du corps et souffle de l’âme, souffle de l’Histoire et souffle du rêve. Il est la chair même de l’écriture, cette matière invisible et vibrante qui relie la voix intérieure à la page, et la page au monde.
Lire Cixous, c’est entrer dans un corps-écriture en ébullition. Les phrases s’y enroulent, se déplient, se répètent comme des vagues, s’élèvent dans des spirales syntaxiques qui rappellent autant la respiration que le désir. Une syntaxe haletante, exubérante, presque organique qui respire, sue, jouit parfois, et saigne aussi. Car l’écriture, chez elle, n’est jamais désincarnée : elle est ancrée dans la chair, elle vient « de dessous la peau », elle jaillit « des lèvres et des seins », elle fait parler les zones longtemps muselées. Dans Le rire de la Méduse, elle écrit :
Écris-toi. Ton corps doit se faire entendre. Alors l’immense ressource des femmes ne sera plus méconnue.8
C’est un appel, un souffle-manifeste. Elle exhorte les femmes à écrire non pas avec la tête seule, mais avec tout le corps — les hanches, le ventre, la gorge, les pieds. Une écriture qui ne cherche pas à reproduire le langage dominant, masculin, hiérarchisé, mais qui invente ses propres voies, ses propres voix. Une écriture qui respire autrement.
Le souffle, chez Cixous, est donc une révolution, à la fois esthétique, éthique et politique. Il fracture la ligne, il insuffle la vie là où le texte voudrait se figer. Il permet aux mots de se détacher des carcans, de danser, de se dilater. Et dans cette dilatation, c’est tout le féminin refoulé qui revient, non comme objet mais comme sujet, comme puissance d’écriture, comme présence incarnée dans la langue.
Dans La venue à l’écriture, Cixous raconte comment elle a été traversée par l’écriture, comment celle-ci s’est imposée à elle comme un besoin vital, comme une nécessité organique. Elle n’a pas « choisi » d’écrire : elle a été écrite, respirée, possédée.
L’écriture, ce fut le souffle. Ce fut le souffle. Ce fut la parole que je ne savais pas dire, mais qui savait.9
Le souffle, ici, devient l’instance qui sait. Il est la mémoire enfouie, le savoir antérieur au langage codé. Il est cette voix précaire mais puissante qui habite chaque femme — et qu’il s’agit de laisser remonter, sans la brider. Le souffle est oracle. Il est choral aussi, comme si toutes les femmes, à travers une seule voix, respiraient ensemble, enfin.
Cette idée d’un souffle collectif, d’un souffle pluriel, vient redoubler la portée politique du geste d’écrire. Il ne s’agit pas seulement d’exprimer une intériorité, mais de faire vibrer une communauté invisible — toutes celles qui, jadis, furent réduites au silence, toutes celles dont le souffle fut interrompu. L’écriture devient alors un espace de réparation, un souffle-reliance : ce qui unit, ce qui redonne souffle à celles qu’on a trop fait taire.
L’écriture cixousienne est aussi une écoute. Une écoute du souffle de l’autre, du souffle maternel, ancestral, fantomatique. Le texte devient chambre d’échos, résonance de tous les souffles passés. Ainsi dans Osnabrück, elle tente de faire revivre le souffle de sa mère, d’en capter les bribes, les rythmes oubliés, comme si l’écriture pouvait ramener à la vie ce qui a été perdu. Le texte est soupir, cri muet, soupçon d’air entre les lignes :
Ma mère respire en moi. Elle est ce souffle qui ne finit pas.10
C’est là peut-être que le souffle atteint sa dimension la plus émouvante : lorsqu’il devient lien entre les vivants et les morts, entre la mémoire et la chair, entre la perte et la création. Écrire, pour Cixous, c’est réanimer. C’est souffler dans la poussière des absences, faire surgir un visage, un geste, une voix disparue. L’écriture devient souffle de revenance.
Dans cet espace démesuré où souffle, corps, mémoire et langue s’entrelacent, Hélène Cixous nous invite à une expérience transgressive et vertigineuse de l’écriture. Une expérience où la phrase n’est plus seulement un vecteur de sens, mais un espace de respiration profonde, de déliaison, de libération. Écrire, c’est souffler hors des carcans. C’est faire vibrer le langage selon une musique intérieure, charnelle, sauvage. C’est faire parler la peau, et dans cette parole incarnée, réinventer le monde.
Chez Cixous, la mémoire n’est pas une archive : c’est un souffle ancien, un vent de sable qui traverse les corps, soulève les phrases et dépose sur la page des vestiges vivants. Elle ne s’écrit pas en dates, mais en palpitations. La mémoire est moins une remémoration qu’un ressouvenir charnel, une remontée organique, une inspiration de l’oubli. Le texte ne retrace pas : il ranime. Il est hanté.
Dans Osnabrück, texte de filiation et de deuil, le souffle devient l’instrument fragile par lequel la narratrice tente de rejoindre l’inaccessible — la ville de son père, la langue perdue, les morts restés sans sépulture. L’exil y est double : géographique et linguistique, historique et intime. Et c’est par l’écriture, comme souffle tendu entre les mondes, que l’exil devient passage, pont, traversée incertaine mais nécessaire.
Je suis née ailleurs. Je suis toujours en train de revenir.11
Cette phrase résume l’élan perpétuel de son écriture : un retour impossible, un souffle jeté vers l’arrière, une respiration qui cherche le lieu natal dans l’espace même de la perte. L’écriture n’est donc pas ici refuge, mais errance soufflée. Elle n’est pas apaisement, mais tension d’un souffle qui ne trouve jamais vraiment sa pleine amplitude. Il faut écrire parce que l’on est déraciné. Il faut souffler, comme on souffle sur des braises, pour que la mémoire ne s’éteigne pas tout à fait.
Cette écriture de l’exil est aussi, profondément, une écriture de la maternité. Non pas une maternité biologique, figée dans l’image rassurante de la mère nourricière, mais une maternité tragique, poreuse, où le corps devient le lieu d’un autre, le lieu de passage, de dépossession, d’amour et de séparation. Le souffle s’y fait double : souffle donné à l’enfant, souffle repris dans le manque. Dans La venue à l’écriture, Cixous dit que sa mère écrivait sans écrire, en la nourrissant, en la regardant, en l’aimant. Écrire, c’est alors recevoir un souffle premier, invisible, antérieur au langage.
Le souffle maternel, ce souffle qui précède tous les mots, devient chez Cixous la matrice de l’écriture. C’est lui qui façonne les silences entre les phrases, lui qui fait trembler les mots, comme si le texte lui-même respirait au rythme d’une présence absente, d’une voix intérieure jamais tout à fait audible, mais toujours pressentie.
Maman ne parlait pas. Mais elle soufflait. Elle m’a appris le langage du souffle. Le langage de celles qui écrivent sans écrire.12
Ce souffle-là est sacré. Il est le fil ténu qui relie la fille à la mère, la vivante à la disparue, la langue écrite à la langue tue. Le texte devient alors un souffle-tombeau, un souffle-témoin, une tentative de préserver ce qui s’éteint. Écrire, c’est ne pas laisser mourir. C’est faire exister une dernière fois, une dernière fois encore.
Mais ce souffle n’est pas seulement mémoire ou deuil. Il est aussi désir, élan, jouissance. Cixous a souvent dit qu’écrire, pour elle, c’était jouir. Non d’un plaisir narcissique, mais d’un plaisir de dépassement, d’émerveillement, de dilatation. Le souffle devient alors cri d’extase, extase du mot qui surgit, de la phrase qui emporte, du texte qui s’ouvre comme un corps. Une ivresse de l’infini.
Dans Le livre de Promethea, l’amour entre femmes est dit dans une langue débridée, souple, aérienne. Le souffle y est érotique, traversé de gémissements, de soupirs, de phrases longues comme des caresses. L’écriture se fait caresse. Le texte devient peau. Chaque mot est une friction, une pulsation. Le souffle n’est plus seulement lien entre les vivants et les morts, mais lien entre les corps qui s’aiment, qui se cherchent, qui se racontent à travers le frisson.
Et c’est peut-être là que culmine cette poétique du souffle : dans sa capacité à embrasser à la fois le manque et le désir, la perte et la promesse, la séparation et la communion, Le souffle, chez Cixous, ne se stabilise jamais ; il oscille, palpite, se tend entre Éros et Thanatos. Il n’explique pas : il électrise. Il fait de l’écriture un lieu traversé, habité, vibrant.
Ainsi, lire Cixous, c’est lire une écriture où chaque mot respire, où chaque ligne est une tentative pour habiter le monde avec tout le corps, avec toute la mémoire, avec tout l’amour et toute la douleur aussi. Le texte devient alors un lieu d’accueil pour les souffles empêchés, pour les silences enfouis, pour les langues à naître. Un lieu où l’écriture est souffle ; souffle d’exil, souffle d’amour, souffle de filiation, souffle de révolution.

Chez Leïla Slimani, le souffle ne s’élance pas dans de longues phrases inspirées. Il s’étrangle, se rétracte, se suspend. Il est murmure plus que cri, battement discret sous l’armure sociale. Dans Chanson douce, dans Dans le jardin de l’ogre, ou encore dans Le pays des autres, l’écriture se fait scalpel : elle tranche, elle incise, mais toujours avec une précision presque clinique. Le souffle y est contenu, comme enfermé dans une cage thoracique trop étroite, symbole d’un monde où le corps féminin est à la fois hypervisible et invisibilisé.
Dans Dans le jardin de l’ogre, Adèle, l’héroïne, vit dans une tension permanente entre le désir et la norme, la chair et l’effacement, l’instinct et l’ordre social. Son souffle est pris dans cette oscillation violente : d’un côté, la suffocation du quotidien conjugal, du rôle imposé, du masque bourgeois ; de l’autre, l’hyperventilation des échappées sexuelles, les halètements de l’addiction, la fuite dans la perte de soi.
Elle avait envie d’un corps qui ne soit pas le sien, d’une voix qui parle sans elle, d’un souffle qui vienne d’ailleurs.13
Ici, le souffle n’est pas célébration : il est symptôme. Il dit le vertige de ne pas pouvoir être, de ne pas pouvoir respirer à l’intérieur des cadres attendus. Il est à la fois ce qui échappe et ce qui trahit. Slimani ne cherche pas à sublimer ce souffle : elle le montre brut, nu, parfois sale. C’est un souffle de honte, d’angoisse, un souffle mal placé, comme un hoquet dans la grammaire sociale. Et pourtant, c’est lui qui rend le texte vivant.
Dans Le pays des autres, ce souffle devient historique. Mathilde, l’épouse française installée au Maroc dans l’après-guerre, découvre les murs invisibles de l’altérité, la poussière d’un quotidien marqué par le silence des femmes, la violence des assignations raciales et genrées. Elle cherche à respirer dans un espace qui ne la reconnaît pas, dans une langue qui lui échappe, dans un monde qui l’étouffe doucement. Le souffle devient alors politique : celui d’un corps pris dans la mécanique coloniale, d’un désir en lutte contre l’invisibilisation. Le texte n’en dit jamais trop : mais dans les blancs, dans les coupures, dans les non-dits, le souffle palpite.
Elle voulait parler, mais les mots restaient bloqués dans sa gorge, comme s’ils savaient qu’ici, on ne les écouterait pas.14
Le souffle, chez Slimani, est ce qui résiste à l’effacement. Il est la preuve d’une subjectivité qui ne renonce pas, même dans l’ombre. Il est trace, battement, rythme intérieur. Contrairement à Ernaux ou Cixous, où le souffle peut se déployer dans des élans lyriques ou dans des fulgurances organiques, chez Slimani, il est davantage une respiration en apnée — celle d’un être qui se bat pour ne pas suffoquer.
Et pourtant, même cette apnée est poétique. Car Slimani excelle à faire entendre le souffle dans les marges. Elle donne à lire les soupirs contenus derrière les murs des maisons, les aspirations refoulées dans les scènes de famille, les respirations hachées du désir sous contrôle. Le corps féminin n’est pas ici un temple d’émancipation, mais un champ de bataille. Et le souffle, une manière de survivre.
Il faut aussi souligner l’économie de style, cette écriture minimaliste qui crée une tension presque musicale. Les phrases courtes, les silences, les ellipses : tout concourt à faire entendre ce qui n’est pas dit. Le souffle n’est pas seulement dans les mots : il est dans leur absence. Dans les béances. Dans l’épure. Une phrase de Slimani peut tenir dans un souffle, mais ce souffle-là, tendu, précis, fait trembler tout le texte.
Ainsi, avec Slimani, nous approchons un autre versant de notre poétique du souffle. Un versant plus discret, plus austère peut-être, mais d’autant plus poignant. Là où Ernaux déchire les silences, où Cixous les inonde de lumière, Slimani les creuse. Elle fait entendre la voix qui vacille, le souffle contenu, le désir d’air dans un monde clos.
C’est dans cette tension entre le murmure et le cri, entre la cage et l’échappée que s’inscrit la singularité de son écriture. Et c’est dans cette tension que se noue notre fil conducteur : le souffle comme force vitale, comme poétique du corps contraint, comme battement d’une langue qui dit l’intime, le politique, l’indicible.

Il serait aisé d’opposer ces trois écritures : Ernaux, la chroniqueuse du réel, au style dénudé, rigoureux, factuel, Cixous, la chamane de la langue, en perpétuelle effusion, traversée par les intensités du corps et de l’inconscient, Slimani opère le silence comme on dissèque un corps : avec une précision clinique, une prose tendue, contenue, où l’émotion affleure sans jamais déborder. Et pourtant, à qui sait écouter non les mots, mais le souffle qui les porte, une résonance se fait entendre. Quelque chose palpite dans les interstices.
Car ces trois voix, si différentes dans leur texture, se rejoignent dans leur volonté de faire du corps une surface d’inscription. Non un simple thème, encore moins un objet littéraire, mais une matière vive, palpitante, parfois blessée, toujours traversée de tensions. Le souffle, chez elles, devient le fil conducteur de cette mise en chair de l’écriture : souffle de mémoire chez Ernaux, souffle organique et pulsionnel chez Cixous, souffle contenu et presque douloureux chez Slimani.
Dans cette constellation, Ernaux écrit pour ne pas oublier, pour fixer l’émotion dans le rythme de la phrase, son souffle épouse les méandres du souvenir, les ressacs de l’intime. Elle écrit avec le souffle suspendu de celle qui veut saisir, sans fioriture, ce qui fut. Elle ne respire pas pour embellir, mais pour dire : à hauteur de corps, à hauteur de femme.
Chez elle, le souffle est transcription du réel, mais un réel saisi à même la chair, la douleur d’un avortement, la honte sociale, le trouble d’un désir.
Cixous, elle, n’écrit pas sur le corps, elle écrit par le corps. Chez elle, la langue ne précède pas le souffle, elle en est l’émanation. La phrase halète, s’étire, s’effondre, comme une respiration qui cherche à contenir l’incontenable. Écriture de l’extase et de l’abîme, elle fait éclater les formes traditionnelles, comme si le souffle même exigeait de nouveaux contours pour se dire.
Ce souffle est autant cri que caresse, autant spasme que chant, il vient d’un lieu obscur et sacré, là où la langue devient matière organique.
Slimani, enfin, retient ce souffle. Non pas par pudeur, mais parce que ses personnages, souvent, n’ont pas le luxe de respirer librement. Elle dit l’oppression d’un monde qui cloisonne, qui surveille, qui exige. Et dans cette tension entre le silence et la voix, elle parvient à faire émerger une autre forme de souffle : discret, mais entêté ; presque imperceptible, mais tenace.
Chez elle, respirer est un acte de résistance, même si cela se fait à bas bruit.
Ainsi, ces trois écritures, en apparence hétérogènes, s’articulent autour d’une même dynamique, celle d’un souffle qui engage le corps, mais aussi le langage ; un souffle qui dit les limites, mais aussi les dépasse, un souffle qui, chez chacune, est en quête d’une forme propre, d’une phrase juste, d’un rythme qui permette de dire l’indicible.
Ce souffle est aussi un geste politique. Car écrire à partir du corps, c’est remettre en question les hiérarchies du discours. C’est faire entendre des voix longtemps étouffées, des respirations que la norme voulait contenir. C’est, comme l’écrit Cixous, «faire respirer un corps enfermé», un corps que l’Histoire, les structures sociales ou les assignations de genre ont voulu taire.
Et c’est là, sans doute, que se joue la véritable parenté entre Ernaux, Cixous et Slimani : dans cette volonté de donner au corps féminin et à sa respiration propre une place dans la langue. Non une place décorative ou secondaire, mais un lieu central, organique, poétique. Là où le souffle devient écriture. Là où écrire, c’est non seulement dire, mais respirer le monde autrement.
Ce qui relie ces écritures, c’est peut-être cette sororité de souffle. Une manière, différente à chaque fois, mais tout aussi urgente, de dire : je respire donc j’écris. Je respire donc je suis. Ernaux écrit depuis le souffle coupé par la honte. Slimani écrit depuis le souffle bridé par les rôles sociaux. Cixous écrit depuis un souffle-monde qui refuse les clôtures.
Leurs textes, ainsi, ne se contentent pas de raconter des expériences féminines, ils les incarnent. Ils font vivre au lecteur la sensation même d’un souffle repris, brisé, suspendu, libéré. C’est cette expérience, esthétique, éthique, politique, qui constitue le cœur battant de leur œuvre.
Bref,écrire, pour Annie Ernaux, Hélène Cixous et Leïla Slimani, ce n’est pas seulement inscrire des mots sur une page. C’est habiter un souffle, faire vibrer un corps dans le langage, ouvrir un passage entre l’intime et le monde. Ce souffle, tantôt retenu, tantôt exhalé avec violence ou tendresse, devient le lieu même de l’écriture : un espace fragile où la chair trouve voix, où la mémoire bat, où l’émotion fait syntaxe.
Il ne s’agit pas de dire que ces écrivaines parlent « au nom » des femmes, ni qu’elles incarnent un modèle d’écriture féminine unique. Leur singularité, au contraire, tient à la manière dont chacune fait entendre un souffle propre celui d’une vie, d’une histoire, d’une lutte, d’un désir dans une langue qui n’est jamais docile. C’est cette respiration plurielle qui compose, non une théorie, mais une constellation : celle d’une poétique du corps féminin, tendue entre silence et parole, entre oppression et libération.
Le souffle, chez elles, n’est pas un simple motif littéraire. Il est matière, rythme, résistance. Il est ce qui permet de dire l’indicible, de porter la mémoire d’un avortement, la suffocation d’un rôle imposé, la volupté d’une phrase libre. Il est ce qui affleure sous la peau du texte, et qui fait que ce texte palpite, tremble, vit. Le souffle est une politique discrète mais radicale : il ne clame pas, il persiste. Il ne cherche pas le spectaculaire, il incarne.
Ainsi, de l’écriture nue d’Ernaux à la prose haletante de Slimani, en passant par l’incandescence poétique de Cixous, se dessine une cartographie du souffle — une géographie du corps en mots. Écrire devient une manière de respirer autrement. De rendre visible ce qui ne se voit pas. De faire entendre ce qui, longtemps, a été tu.
Ce souffle, nous l’avons suivi comme une ligne de vie, une onde secrète qui traverse les pages, les secoue, les éclaire. Il nous reste maintenant à écouter comment, en nous aussi, il résonne.

Kaoutar Elouahabi est doctorante en littérature à l’Université Cadi Ayyad. Ses recherches portent sur la poétique du corps féminin et sa représentation dans l’écriture féminine contemporaine. Titulaire d’un master en littérature, elle a consacré son mémoire à l’adaptation des métaphores littéraires à l’écran dans Syngué Sabour. Pierre de patience d’Atiq Rahimi, en interrogeant la mise en scène de la condition féminine sous l’oppression et en temps de guerre. Son travail croise esthétique, genre et politique, avec une attention particulière portée aux formes d’expression du corps et du souffle dans la littérature et le cinéma.
La rédaction de cet article a été encadrée par :
Adil FATHI est un enseignant-chercheur de littérature et de stylistique à la Faculté polydisciplinaire de Safi/Maroc. Il est membre permanent dans le Laboratoire Analyse du Discours et Systèmes de Connaissances et fondateur de la Revue Scientifique Mots et Mondes.
Rajaa BABALAHCEN, Maître de Conférence Habilitée à l’ENSA de Safi, Université Cadi Ayyad (Maroc) et membre permanent du « Laboratoire Analyse du Discours et Systèmes de Connaissances ». Titulaire d’un doctorat portant sur la femme et le féminin chez les soufis, ses travaux explorent les dimensions symboliques, spirituelles et genrées du soufisme dans une perspective à la fois littéraire, anthropologique et philosophique.

Œuvres littéraires étudiées
Essais et théories littéraires
Études critiques et secondaires

1 Virginia Woolf, Un lieu à soi, trad. Marie Darrieussecq, Gallimard, Folio classique, 2020, p. XX
2 Annie Ernaux, Les Années, Paris, Gallimard, 2008, p. 232.
3 Annie Ernaux, La Place, Paris, Gallimard, 1983, p. 47.
4 Annie Ernaux, L’Événement, Paris, Gallimard, 2000, p. 61.
5 Annie Ernaux, L’Événement, Paris, Gallimard, 2000, p. 61.
6 Annie Ernaux, Les Années, Paris, Gallimard, 2008, p. 108.
7 Annie Ernaux, Une femme, Paris, Gallimard, 1987, p. 13
8 Hélène Cixous, Le Rire de la Méduse et autres ironies, Paris, Galilée, 2010, p. 45
9 Hélène Cixous, La venue à l’écriture, Paris, UGE, 1977, p. 31.
10 Hélène Cixous, Osnabrück, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1999.
11 Hélène Cixous, Osnabrück, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1999, p. 23.
12 Hélène Cixous, Osnabrück, Paris, Des femmes-Antoinette Fouque, 1999, p. 67.
13 Leïla Slimani, Dans le jardin de l’ogre, Paris, Gallimard, 2014.
14 Leïla Slimani, Le Pays des autres, Paris, Gallimard, 2020.