À la limite de l’illimité : le monochrome — Lucille Bréard

À la limite de l’illimité : le monochrome

 Lucille Bréard

 

 

            La figure du monochrome

Le monochrome est une étendue de couleur délimitée par ses bords. Il incarne la figure de l’élément qui contient la vacuité, comme un fragment du Vide. Yves Klein voulait de sa peinture qu’elle se confonde « avec  » l’espace sensible pur « , en faire la traduction visible de l’absolu »[1]. Par son absence de représentation, par l’absence de trait venant créer de la différence au sein de la toile, le cadre vient donner une limite à cette plage de vide qui, dans l’idéal du genre, est une incarnation de l’illimité. Cette question du bord, Jacques Derrida en développe la notion sous le concept de parergon : la parure, le cadre qui enserre. « Un parergon vient contre, à côté et en plus de l’ergon, du travail fait, du fait, de l’œuvre, mais il ne tombe pas à côté, il touche et coopère, depuis un certain dehors, au-dedans de l’opération. Ni simplement dehors ni simplement dedans. Comme un accessoire qui est obligé d’accueillir au bord, à bord. Il est d’abord l’à-bord.[2] » Ce bord permet de rendre concrète la surface de l’œuvre.

Dans le cas du monochrome, nous parlerons d’une certaine planéité, doublée d’une profondeur à travers l’absence de représentation, et de l’intensité de la couleur. « Tout ce qui se trouve sur une surface a un espace derrière lui. […] Une couleur régulière, spécialement si elle est obtenue avec de la peinture à l’huile qui couvre la totalité ou la plus grande partie d’une peinture, est à la fois plane et infiniment spatiale. L’espace est un peu profond dans toutes les œuvres où l’accent est mis sur le plan rectangulaire.[3] »

Dans un monochrome, où aucun motif n’est représenté, aucune ligne, aucun point, hormis parfois la matière granuleuse ou veineuse de la couleur elle-même étalée, il est impossible de pouvoir parler de succession de plans, et donc de pouvoir mesurer une profondeur par rapport aux éléments de composition. Dans le domaine du cinéma, on parlera d’un plan qui exclut la profondeur de champ : « les images sans profondeur ou à profondeur maigre forment un type de plan coulant et glissant qui s’oppose au volume des images profonde »[4]. La peinture est réduite à sa plus simple forme, la couleur comme élémentaire. « J’ai le sentiment […] que la notion de profondeur de l’espace présente dans le monochrome mat conduit au sublime traditionnel […]. Le regard est attiré par la profondeur de la distance.[5] »

L’abîme du monochrome semble vertigineux, mais par sa limite matérielle, son bord, il nous retient devant lui. Il est un rapprochement à faire avec l’art minimaliste, qui produit des œuvres épurées. « Éliminer tout détail pour imposer des objets compris comme des totalités insécables, indécomposables. Des « touts sans parties », des objets qualifiés à ce titre de « non relationnels ».[6] » Est-ce un Plein total, un auto-suffisant ? Ne compose-t-il pas à lui seul l’absolu ? Le monochrome est une entité qui malgré sa finitude imposée par ses bords appelle le hors-cadre, rappelle l’infini établi. Il semble échapper à la mesure du temps, au rythme, comme empreint d’une stabilité, une immobilité, il échappe au mouvement du trait. « L’espace d’une œuvre d’art n’est pas l’espace objectif de la représentation, pas davantage un espace imaginaire. Mais un espace tensoriel, instant.[7] »

Le monochrome est à voir toujours exactement comme il s’aborde, dans son immédiateté. Le cours de la temporalité est ainsi remis en question, presque arrêté. Si le monochrome renvoie à l’infini, il apparaît comme enfermé dans une finitude engendrée par ses bords. « La finitude ne peut pas se donner à elle-même et en elle-même tout son sens, elle ne l’acquiert que dans la différence à soi, l’infini.[8] » La figure du monochrome met en évidence l’illimité, à travers ses limites, comme chaque cadre sur le monde est une fenêtre sur l’existence, une ouverture sur l’espace et le temps. « L’Unité du tableau se définit comme l’Unité du Monde.[9] »

 

 

            Le monochrome blanc

Le monochrome, par définition, se revêt d’une couleur unique. Miquel Barcelo a réalisé une toile blanche, Sin Titolo, 2012 ; exposée au Carré d’Art de Nîmes dans le cadre de l’exposition Moving – Norman Foster on Art (du 3 mai au 15 septembre 2013). « Le blanc, que l’on tient souvent pour une non-couleur apparaît comme le symbole d’un monde d’où toutes les couleurs, en tant que propriétés immatérielles et substances, auraient disparu.[10] » La toile blanche ne contiendrait donc pas « rien », mais déjà la multitude des couleurs. Il s’agit d’une surface vierge, une « toile vide. En apparence : vraiment vide, gardant le silence, indifférente. Presque hébétée. En vérité : pleine de tensions avec mille voix basses, pleine d’attente »[11]. Le tableau de Miquel Barcelo, aux grandes dimensions, nous immerge dans ce blanc, nappé, voilé par de fines ombres qui ruissellent. Dans cet espace constitué de blanc, il reste la surface de l’œuvre impactée par son environnement. Carré blanc sur fond blanc de Kasimir Malévitch, met aussi cet accent sur la subtilité de blancs assemblés. La couleur blanche, dans la pensée chinoise, est celle « qu’on utilise pour représenter l’air, l’eau, les lambeaux de fumées, les bouquets de nuages, les chemins, la clarté solaire, etc. La Blanche, c’est à la fois la Couleur et le Vide ; on n’en épuise pas la saveur »[12]. Les Vides blancs semblent se superposer, mais chacun trouve sa limite, où commence l’autre. Le poème de Stéphane Mallarmé, Toast, semble conter la traversée de mers, où l’on vogue entre différents blancs :

 

« Rien, cette écume, vierge vers

À ne désigner que la coupe ;

Telle loin se noie une troupe

De sirènes mainte à l’envers.

 

Nous naviguons, ô mes divers

Amis, moi déjà sur la poupe

Vous l’avant fastueux qui coupe

Le flot de foudre et d’hivers ;

 

Une ivresse belle m’engage

Sans craindre même son tangage

De porter debout ce salut.

 

Solitude, récif, étoile

À n’importe ce qui valut

Le blanc souci de notre toile.[13] »

 

D’un point de vue cinématographique, on pense au film d’Alfred Hitchcock, La maison du docteur Edwards, où celui-ci, malade d’amnésie, est atteint d’un trouble devant les surfaces blanches, telles que l’épaisse couche de neige parcourue de traces de skieurs, ou la nappe de coton où il y a des empreintes de fourchettes. Un verre de lait est filmé en gros plan, laissant un écran blanc. Gilles Deleuze dit à ce propos : « le cadre vaudra pour une surface opaque d’information, tantôt brouillée par saturation, tantôt réduite à l’ensemble vide, à l’écran blanc ou noir »[14]. Le cadre délimite la vision qui se plonge dans le monochrome suggéré par un zoom extrême.

Michelangelo Antonioni réalise en 1964 le film Le désert rouge. Le récit de Giuliana y est raconté, qui est dans l’incapacité d’être dans un « ici et maintenant ». L’espace et le temps la désarçonnent, provoquent en elle une errance, comme si le Vide se propageait à l’intérieur d’elle-même. Quand la question lui est posée : « de quoi êtes-vous effrayée ? », elle répond : « des rues, des usines, des couleurs, des gens, de tout. » Ces paroles ne sont pas sans rappeler le comportement autistique, dont la perception des limites de son propre corps n’est pas évidente, selon les ouvrages de Frances Tustin. Le réalisateur expose dans son film d’énormes usines, des couleurs puissantes telles que le jaune, le rouge, le bleu, le vert, et des noirs et blancs très forts sur des plans de formes qui en deviennent parfois abstraits. Antonioni situe le lieu dans un environnement abîmé, toxique, où ces usines jettent dans l’air une fumée blanche opaque qui envahit tout. Pas une seule fois dans le film le ciel n’apparaît d’une autre couleur, délaissant le bleu emblématique des cieux. Cette nuée blanche, dans certaines séquences, prend la quasi-totalité de l’écran, et l’on ne distingue plus ce qui pourrait être reconnaissable. Les personnages disparaissent. C’est un Vide qui perd le regard dans un plan sans horizon.

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Photogramme 1 – Le désert rouge, Michelangelo Antonioni, 1964, 1:05:17

 

Dans l’œuvre de Malévitch, Carré noir, il n’est pas question uniquement d’un monochrome noir, car le carré noir se trouve placé au centre d’un carré blanc plus grand, occulté par l’artiste dans le titre. Cette marge n’est pas suffisamment large pour prendre le pas sur le carré noir, mais assez large pour imposer sa propre présence. « Malévitch pense que l’expérience du rien, de la nuit noire, provoque l’illumination. Le passage  » dans le vide des déserts  » constitue à ses yeux la promesse d’une transfiguration.[15] » Ainsi, on peut comprendre que l’artiste concevait son œuvre en tant qu’entité révélatrice d’un Tout transcendant. Le rapport entre les deux formes crée un certain équilibre, comme celui entre le Vide et le Plein. Cela permettrait d’accéder à une certaine lumière, clairvoyance, à travers le caractère évidé de représentation de la toile.

 

 

            Le monochrome noir

Les peintures de Pierre Soulages sont couvertes d’un noir vinyle, striées, présentant des reflets lumineux. On retrouve cette figure du noir à travers des œuvres cinématographiques, telles que Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchcock, où l’on observe l’homme à sa fenêtre, braise de la cigarette luisante, dans un rectangle noir. « Le maximum de raréfaction semble atteint avec l’ensemble vide, quand l’écran devient tout noir ou tout blanc.[16] » Le vide est délimité par l’écran, mais c’est le noir qui plonge le spectateur vers un horizon sans fin, et en même temps dans une profondeur d’espace annulée, aplanie. Indéfinissable, elle nous laisse sans repères, hormis cette sensation d’infini proche. Le monochrome noir nous renvoie à nous-même, à notre propre ténèbre. Le conscient l’ignore, l’inconscient le devine. Hölderlin écrivait à ce propos :

 

« Ô miracle, ô faveur de la nuit sublime ! Nul ne sait

La source, la grandeur des dons qu’un être reçoit d’elle.[17] »

 

Dans le film Lost Highway de David Lynch, il y a une omniprésence de la couleur noire, qui revient à travers divers éléments : les vêtements, les ongles de Renée, les draps du lit ; mais ce qui vide l’écran est le couloir sans éclairage qui mène à la chambre du couple. Il semble que ce soit un choix délibéré du réalisateur. Lorsque ce couloir est traversé, la personne qui l’emprunte est noyée dans l’ombre, et cela crée, pour le spectateur, un moment d’instabilité, comme si le mouvement était figé ou comme si la caméra avait perdu son sujet. « Ainsi voit-on, entre clair et sombre, dit Ch’ien Wen-shih :  » les choses entre être et non-être s’immergent dans la pénombre, distinctes encore mais déjà nimbées d’un invisible halo qui les unit toutes. « »[18]. Le halo est comme la lumière noire du Chaos. Wassily Kandinsky écrivait à propos du noir : « Un néant sans possibilité, un néant mort après que le soleil s’est éteint, un silence éternel sans avenir ni espoir, voilà la résonance intérieure du noir. Musicalement, on peut le représenter par un silence définitif après lequel la suite apparaîtra comme le début d’un nouveau monde, car tout ce qui est interrompu par ce silence est achevé pour toujours : le cercle est fermé. Le noir est quelque chose d’éteint comme un bûcher consumé, quelque chose d’immobile comme un cadavre qui ne ressent rien et sur qui tout glisse. Il est comme le silence du corps après la mort, la fin de la vie »[19]. Le noir a une valeur énigmatique et elliptique de par sa capacité à retirer les objets, dans une preuve par l’absence, dans une confuse définition des contours. Écran noir sur fond noir, le film projeté dans la salle de cinéma appelle un instant à empiéter sur la réalité.

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Photogramme 2 – Lost Highway, David Lynch,1997, 0:08:50

 

Dans Lost Highway, le couloir noir renvoie à ce qui se passe d’inexpliqué dans la vie du couple. Ils commencent à recevoir des cassettes vidéo montrant l’extérieur de leur maison, puis l’intérieur, et ce fameux couloir au bout duquel Fred se voit lui-même assassinant sa femme. Lors d’une fête, il rencontre un homme dont il avait eu des visions auparavant et qui lui téléphone depuis chez eux en même temps qu’il lui parle en face. Renée et Fred soupçonnent que quelqu’un parvient à rentrer dans leur maison et ils préviennent la police, mais il n’y a aucune trace d’effraction. La solution à cette énigme pourrait être que le couloir, par son noir disséminé, abrite une brèche et ouvre par l’obscurité à un certain hors-cadre. Le sombre corridor rend l’accès possible à cet inconnu qui va et vient. Mais cela fait allusion aussi à toute la structure du scénario de Lynch, conçu sur la forme de l’ellipse. Le réalisateur conçoit en effet le récit sur le mode de grands vides disséminés, où les limites mêmes de la conscience n’ont pas de bords nettement définis, la schizophrénie.

C’est la réalisation filmique où siège l’empreinte du Chaos. Ce plan qui envahit l’écran de noir, lorsque la profondeur du couloir est dans le champ, nous plonge dans un hors-champ, qui renvoie hors du lieu, dans un au-delà du représenté. On est pourtant au cœur de l’œuvre. Lynch introduit du Chaos au sein de sa création, qui traverse un instant le néant, abandonne toute narration raisonnée. « Avant le rythme, avant le battement, avant l’air, qui circule et unifie, il y avait la nuit – nuit qui serait l’absence de couleur qualifiant le Chaos. C’est le trou noir.[20] » Le monochrome noir abolit toute mesure. Face au noir, nous sommes renvoyés à l’Origine, et comme le dit David Lynch dans le documentaire The Artlife sorti en février 2017 : « c’est dans l’obscurité que l’on peut se trouver. » Ce couloir sombre traversé par les personnages semble appeler un ailleurs. « L’air de la nuit, qui rend sensible l’imperceptible, qui traverse et frôle, qui nous prend dans un mouvement tournant qui, parce que les repères s’effacent, laisse encore les corps au devenir inconsistant.[21] » On ne sait ce qui advient dans cet espace-temps qui laisse au récit et au spectateur le goût d’une échancrure et qui bouleverse le rythme.

 

« Dans le cœur de la nuit, une mesure est là toujours, commune

À tous, et chacun cependant reçoit en propre son destin.[22] »

 

Le monochrome est en quelque sorte du Chaos encadré. On y plonge avec stupeur et, en même temps, reconnaissance du commencement. Le spectateur est comme enfoui dans une ombre et perd ses repères. Ce n’est pas sans nous rappeler le récit des origines grecques, où le Chaos originel s’étendait à l’infini. « C’est un vide, un vide obscur où rien ne peut être distingué. Espace de chute, de vertige et de confusion, sans terme, sans fond. On est happé par cette Béance comme par l’ouverture d’une gueule immense où tout serait englouti dans une même nuit indistincte. À l’origine donc, il n’y a que cette Béance, abîme aveugle, nocturne, illimité.[23] » Pour se saisir de la limite, il semble inévitable de parler de l’illimité. Le monochrome en est la figure.

Mark Rothko réalise en 1970, quelque temps avant sa mort, une acrylique sur toile, Untitled, où deux rectangles noirs viennent se poser sur un fond bleu roi. Kandinsky dans ses écrits conçoit une parenté intime au sens physique du terme « entre le noir et le bleu, le bleu pouvant acquérir une profondeur telle qu’il confine au noir »[24]. L’intensité et la vibration des couleurs trouvent parfois résonance commune. C’est particulièrement le cas du noir et du bleu.

 

 

            Le monochrome bleu

La figure monochromatique bleue trouve illustration dans l’œuvre IKB 3 d’Yves Klein, peinte en 1960. Cennino Cennini disait en 1437 à propos du bleu d’outremer que c’est « une couleur noble, belle, parfaite, surpassant toutes les autres. Cette couleur, ainsi que l’or (lequel embellit tous les travaux de notre art) exalte toute chose, soit sur un mur, soit sur un panneau »[25]. L’or et le bleu étaient à l’époque les couleurs de prédilection pour représenter l’infinité du ciel. Kandinsky ajoute à ce propos : « dans ses tons les plus profonds, les plus majestueux, le bleu est comparable aux sons graves d’un orgue »[26]. Au sein de la toile se joue alors l’incarnation d’une expérience spirituelle. « La technique employée par Klein permet à ses monochromes de se tenir aux frontières du tableau traditionnel, d’en faire une fenêtre ouverte sur l’expérience d’une illumination sans limite.[27] » L’aplat du bleu IKB sur la toile, en tant que bleu créé par Klein qui recherchait la pureté de la couleur, tend vers une traduction visible de l’Absolu. Henri Maldiney dit à propos des couleurs pures qu’elles « sont élevées à leur propre puissance, celle de se mouvoir elles-mêmes à même le projet ouvrant d’une œuvre unitaire. Dans ces conditions la couleur, dont l’essence pure n’est plus offusquée par les particularités fortuites des impressions de nature, est bien sortie de son retrait. Mais elle a cessé d’appartenir au fond et l’œuvre a cessé de se retirer en lui. Le fond comme tel est oublié.[28] » L’importance est donnée à la peinture comme si elle était fond et forme elle-même, dans sa totalité. « Les couleurs pures sont les seules dont la vue nous livre, à l’état nu, l’essence.[29] » La couleur et son absence de motif semblent être un espace du Vide. Mais promue par son essence, elle donne résonance à l’œuvre. « Le lien entre le Vide et la Couleur trouve son fondement spirituel dans cette célèbre expression d’inspiration bouddhique :  » La Couleur, c’est le Vide ; le Vide, c’est la Couleur.  » [30] » La couleur semble être un Vide, un absolu de profondeur dans lequel le regard plonge à l’infini. La figure du monochrome nous donne accès à cet infini.

 

 

            Conclusion

Comme le dit Martin Heidegger, la limite n’est pas seulement ce par quoi une entité cesse et prend fin, mais aussi ce par quoi elle commence. La limite est le signe du début et le signe de l’achèvement. Chaque corps, quand bien même il s’agirait de celui de l’œuvre, possède « son-propre-lieu »[31], qui lui est conforme. L’espace dispose les intervalles entre chaque chose et offre la place propre à chacun. Le monochrome est une fenêtre ouverte sur l’absolu de la couleur. Il tente de représenter le Vide dans toute sa pureté. La surface vierge apparaît alors comme la tension potentielle sous-jacente, la matrice des possibles en attente, délimité par les bords de l’écran, les bords de la toile qui permettent son apparition dans un monde lui-même structuré par la limite. Car sans celle qui fonde le monde tout serait Un, et le Multiple serait impossible. Un espace est donné à chacun par le Vide médian, qui permet aux souffles vitaux de circuler et d’atteindre leur équilibre. Le Vide et la limite qu’il induit signifieraient la séparation, la transformation. « C’est le point nodal tissé du virtuel et du devenir, où se rencontrent le manque et la plénitude, le même et l’autre, »[32] où se rencontrent le Vide et le Plein, et où l’illimité côtoie la limite.

 

Lucille Bréard

 

 

 

[1]  Denys Riout, La peinture monochrome, Paris, Éditions Gallimard Folio essais, 2006, p. 41.

[2]  Jacques Derrida, La vérité en peinture, Paris, Flammarion, 1978, p. 63.

[3]  Georges Didi-Huberman, Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, site D.Judd « specific objects », Editions de Minuit, 1992, Paris, p. 29.

[4]  Gilles Deleuze, L’image-mouvement, Paris, Éditions de Minuit, 1992, p. 43.

[5]  Sang, extrait d’un entretien avec Mark Francis, novembre 2000, à l’occasion de l’exposition « Blood Solid, fig-1 » à Londres, ecueilli dans Je n’ai rien à dire, Entretiens avec Anish Kapoor, Les éditions Rmn-Grand Palais, 2011, p. 82.

[6]  Georges Didi-Huberman, op. cit., p. 30.

[7]  Henri Maldiney, Avènement de l’œuvre, Nîmes, Théétète Éditions, 1997, p. 97.

[8]  Bernard Salignon, Qu’est-ce qu’habiter ?, Paris, Éditions de la Villette, 2010, p. 129.

[9]  Henri Maldiney, Aux déserts que l’histoire accable, L’Art de Tal-Coat, Montolieu, Deyrolle Éditeur, p. 20.

[10]  Wassily Kandinsky, Du spirituel dans l’art, et dans la peinture en particulier, Paris, Éditions Gallimard, Folio Essais, 2006, p. 155.

[11]  Wassily Kandinsky, Écrits complets, Paris, Éditions Denoël/Gonthier, 1970, p. 361.

[12] François Cheng, Vide et plein, le langage pictural chinois, Paris, Éditions du Seuil, 1979, p. 58.

[13]Stéphane Mallarmé, Toast, La Plume, 1893

[14]Gilles Deleuze, L’image-mouvement, Paris, Éditions de Minuit, 1983, p. 24

[15]Denys Riout, La peinture monochrome, op. cit., p. 81

[16]Gilles Deleuze, L’image-mouvement, op. cit., p. 24

[17]Hölderlin, Odes, Elégies, Hymnes, « Le pain et le vin », nrf Poésie/Gallimard, 1993, p. 97

[18]Henri Maldiney, Ouvrir le Rien, l’Art nu, Paris, Éditions Les Belles Lettres, collection encre marine, 2010, p. 108.

[19]Wassily Kandinsky, op. cit., p. 156.

[20]Bernard Salignon, Les déclinaisons du réel, La voix, L’art, L’éternel retour, Paris, Éditions du Cerf, 2006, p. 11.

[21]Ibid., p. 152

[22]Hölderlin, Odes, Elégies, Hymnes, « Le pain et le vin », op. cit., p. 97.

[23]Jean-Pierre Vernant, L’Univers, les Dieux, les Hommes, Récits grecs des origines, Paris, Éditions du Seuil, 1999, p. 15.

[24]Wassily Kandinsky, op. cit., p. 146.

[25]Cennino Cennini cité par Denys Riout, op. cit., p. 41.

[26]Wassily Kandinsky, op. cit., p. 149.

[27]Denys Riout, op. cit., p. 44.

[28]Henri Maldiney, L’art, l’éclair de l’être, Chambéry, Éditions Comp’Act, collection Scallène, 1993, p. 315.

[29]Henri Maldiney, Ouvrir le Rien, l’Art nu, op. cit., p. 227.

[30]François Cheng, op. cit., p. 56.

[31]Martin Heidegger, Remarques sur art-sculpture-espace, Paris, Éditions Payot et Rivages, 2009, p. 21.

[32]Ibid., p. 33.


CATEGORIES : Frontières et Limites/ AUTHOR : Lucille Bréard

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