Le pas labordien — Cindy Joy Marti

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Qui parle?

 

Le pas pressé, insaisissable qui devance l’horizon pour ne pas voir qu’il franchit encore sa ligne, cet impossible à dépasser.

 

Il y a ce pied ancre, engorgé de gravité qui avance d’un à-venir impossible vers cet horizon à l’infranchissable continuité.

 

Et puis, celui qui râpe et retourne le sol ; à chaque avancée en modifie la surface renouvelant sans cesse le paysage. Lorsqu’il se dirige vers le dos, le talus arrière ne lui appartient plus ; comme il fait de son chemin passé un étranger.

 

Le pied chercheur de réponses qui ressasse le parcours comme il revient sans se retourner en accumulant les foulées devant lui. Sans dos, il tient son chemin passé devant lui pour y trouver ce qu’il a perdu.

 

Qui parle?

 

Celui qui cogne la terre toujours devant lui, à mesure des pensées comme il trouve sa réponse dans une nouvelle question. C’est que les gravats ne cessent de rouler devant lui d’un à-venir instable.

Qu’il est rassurant de se retourner pour s’installer vers le dos, là où le sol conserve encore les marques de son passage.

 

Et puis, le pas à l’air suspendu qui amorti l’empreinte sur un sol rempli de Noms.

 

Un pied cherche dans sa course la trace qui clôture le parcours et lorsqu’il se pose re-trouve le sillon d’un trajet en cours d’a-cheminement.

 

Il y a celui qui coupe le chemin des inscriptions, comme il annule la provenance par un nouveau traçage.

 

Qui parle?

 

Le pas bancal qui tente de tenir une direction fuyante comme il porte en lui la rencontre avec l’étranger.

 

Et puis, celui qui ne détermine aucune trajectoire par avance. Il chemine d’a-rythmie en a-rythmie ; du silence gonflé par le vent qui d’un coup prend mouvement pour entendre le geste de la phusis.

Alors, le pied s’effondre comme il se stupéfie,                                              s’installe comme il contemple du chaos l’extraction d’un battement esquissant son ordonnance…

 

Qui parle?

 

Cindy Joy

 

Ce texte a été écrit lors d’un stage en psychothérapie que Cindy Joy Marti a effectué à la Clinique de La Borde.

Ici, la frontière est franchie par une parole non à propos de soi mais à propos de l’apparaître d’une autre personne, de son corps, son maintien et son mouvement dans un espace incertain. En même temps que l’apparence est perçue, le sujet cache sa corporalité propre afin de donner un lieu entre la dissimulation de soi et l’apparaître du maintien de l’autre en face ; qui pourtant demeure anonyme. Plusieurs moments d’observation où le « je » retenu ici dit le lieu que ces présences ont investi pour l’auteur. Ainsi la limite est entre le regarder et la personne regardée : la parole qui trace et le corps propre qui s’y efface et laisse sa trace en parlant.

Nathalie Schleif


CATEGORIES : Frontières et Limites/ AUTHOR : Cindy Joy Marti

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