Prendre la nuit comme un pays un peu mystérieux, un peu effrayant, difficile à pénétrer, qui se dérobe au fur et à mesure qu’on tente de s’y glisser… Pour nous, animaux diurnes, le nocturne fait peur : plutôt que de l’affronter, on préfère souvent y dormir – cela permet de ne pas regarder en face son visage de Méduse.
Certes, il y a parmi les hommes des oiseaux de nuit, noctambules et autres errants de l’obscurité. Mais leur névrose est peut-être symétrique : eux, c’est le jour qui leur fait peur, ils sont un peu vampires…
De la nuit comment alors s’approcher ? Je propose un biais : c’est à ses marges qu’on va s’intéresser, ses lisières, toujours un peu floues, jamais vraiment si nettes qu’on le croit, engoncé qu’on est dans l’habitude du raisonnement par opposition… La nuit ? C’est le contraire du jour. Pas de transition. C’est d’ailleurs bien le cas dans certaines régions du monde proches de l’Équateur, où une pression sur l’interrupteur du soleil suffit à « faire » la nuit. Michel Leiris parle du « crépuscule presque inexistant des régions tropicales »1. Et voici Patrick Modiano : « Là-bas, le crépuscule n’existe pas. Il suffisait de s’assoupir un instant sur la terrasse de Sidi-Bou-Saïd et la nuit était tombée. »2 Ou Richard Kapuscinski : « Ce qui en Europe s’appelle soir ou crépuscule dure ici à peine quelques minutes, ou plutôt n’existe pas. Il y a le jour, et aussitôt après la nuit, comme si quelqu’un en un tour de clé coupait le courant du soleil. La nuit devient tout de suite noire ».3
De l’autre côté de la journée, au matin, c’est en Italie, à Rome plus précisément, que l’écrivain hongrois Sandor Maraï observe la même solution de continuité : « À Rome, il n’y a presque pas de transition entre la nuit et l’aube. […] Moi, tu vois, j’aime ces matins romains, j’aime cette lumière brûlante, brusque et éclatante… on dirait une jeune femme qui se débarrasse soudain de sa chemise de nuit et qui, toute nue, court à sa fenêtre. Elle n’est pas impudique, non, elle est simplement nue. »4 Si de la coupure de l’électricité à la femme qui se déshabille la métaphore change, l’observation est la même : c’est l’absence de transition qui frappe. Kapuscinscski, Maraï : les deux écrivains viennent de pays dits « de l’Est » (Pologne, Hongrie). Dans ces contrées, le passage du jour à la nuit, de la nuit au jour, se ferait-il de manière particulièrement graduelle pour qu’ils soient ainsi frappés de ces brusqueries méridionales ?
Symétrie exemplaire en tout cas des matins et des soirs ? La question pourtant se pose : sont-ils miroirs les uns des autres ?
Allons d’abord voir du côté du lexique. D’emblée, en français, deux mots viennent, disant la sortie de la nuit : aube, aurore. Et pour le soir ? C’est plus difficile. Les dictionnaires donnent plusieurs termes : la brune, le serein, le crépuscule ; un adjectif : vespéral. Chacun pourtant pose un problème. Aller, sortir « à la brune », c’est aussi bien sortir le soir que la nuit : manque de précision donc sur le moment que l’expression (« vieillie », disent encore les dictionnaires) désigne. Quant au serein, il désigne plus précisément la rosée du soir, l’humidité qui monte du sol.
Et le crépuscule ? À l’origine il dénote indifféremment le matin et le soir – voir les deux poèmes de Baudelaire : « Le crépuscule du soir » (« Voici le soir charmant, ami du criminel ; / Il vient comme un complice, à pas de loup ; le ciel / Se ferme lentement comme une grande alcôve, / Et l’homme impatient se change en bête fauve. »), « Le crépuscule du matin » (« La diane chantait dans les cours des casernes, / Et le vent du matin soufflait sur les lanternes. / C’était l’heure où l’essaim des rêves malfaisants / Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents ; / Où, comme un œil sanglant qui palpite et qui bouge, / La lampe sur le jour fait une tache rouge ; / Où l’âme, sous le poids du corps revêche et lourd, / Imite les combats de la lampe et du jour. »). Certes, il y a le crépuscule (Dämmerung en allemand) des idoles, celui des dieux, ou « Les chants du crépuscule » qui ne se réfèrent qu’au soir. Mais dans ces titres d’œuvres poétique, philosophique, musicale, le mot dit un déclin, la fin d’un monde, l’entrée dans la nuit d’une civilisation. L’analogie soir-dégénérescence, métaphore depuis longtemps figée, a peut-être bien fini par réserver le crépuscule aux moments vespéraux. On y reviendra.
Nonobstant, il m’arrivera d’user du mot de crépuscule y compris pour le matin. Cela pourrait éviter de ne parler que du point de vue du jour – pli d’animal diurne sans doute là encore qu’un tel parti-pris.
À ce pli, même un Vladimir Jankélévitch n’échappe pas, dirait-on, lorsque dans l’écriture musicale il oppose le bémol et le dièse. Bien qu’« enharmoniquement synonymes en système tempéré : ré bémol et ut dièse, sol bémol et fa dièse coïncident sur les touches », ils sont profondément distincts : « (…) l’orthographe bémolisée correspond à l’intention de soustraire, l’orthographe diésée à un dévoilement ». Comparant alors ces deux « orthographes » à « l’opposition du crépuscule et de l’aurore », le philosophe précise que toutes deux sont « deux mouvements inverses et par conséquent incomparables, l’un déjà nocturne et qui tend vers le sommeil, vers les songes et vers la volupté, l’autre tendu vers le jour et les besognes matinales ». Et d’y insister : « À quantité de lumière égale et pour une même hauteur statique du soleil, c’est donc la qualité qui diffère, ici et là, du tout au tout. Ainsi diffèrent, pour une même tonalité, l’éclairage mourant de la bémolisation, déjà tourné vers la nuit, et l’éclairage naissant du synonyme diésé, qui est émergence dans la lumière »5. Admirable analyse, que Jankélévitch illustre par de nombreux exemples : Fauré, Albéniz, Janacek…, dont « la poésie de la sonorité bémolisée […] sert à tamiser la lumière et […] exprime essentiellement la pénombre, la demi-teinte, le demi-jour ». Mais n’est-elle pas néanmoins, cette analyse, un peu prisonnière de ce privilège que l’homme ne peut guère s’empêcher d’accorder au soleil du matin, au jour qui se lève ? Car enfin, les mots, les formules mêmes employés ici pour évoquer la lente tombée du jour (lumière tamisée, pénombre, demi-jour) ne peuvent-ils pas aussi bien s’appliquer à la lumière qui s’agrandit au matin ?
Difficile donc à l’homo sapiens de s’empêcher de privilégier le matin, dirait-on. Jean Starobinski en fait un marqueur de la personnalité de Paul Valéry : si « le point du jour fut son instant favori », c’est peut-être bien parce qu’« il existe une relation symbolique entre l’instant choisi pour le travail et la teneur substantielle de l’œuvre » de l’auteur de La jeune Parque. Valéry est, à tous points de vue, plutôt « du matin », comme on dit : « Toute son œuvre nous parle d’un esprit à l’instant du réveil, quand l’univers des formes retrouve son langage, à l’émergence du sommeil et de l’absence, quand se rassemblent les sensations qui recréent la conscience d’un corps »6. À l’aube, et peut-être plus encore à l’aurore, les sensations émergent des ombres de la nuit, quand rêves et cauchemars occupaient l’esprit. Au matin, luttant contre cette léthargie nocturne, Valéry-Teste, reprenant le contrôle de sa pensée, « gagne un état de vigilance supérieur de quelques degrés à l’état d’une pensée […] qu’on pourrait surprendre en flagrant délit d’assoupissement », et « dans l’exaltation du réveil » il « trouve sa joie et reconnaît sa puissance personnelle ».
Mais bien sûr, un poète tel que Valéry, sensible aux passages, aux transitions, à la souplesse du glissement du mode nocturne au mode diurne d’être au monde, ne saurait trancher de manière aussi abrupte. Ces idées du jour qu’il privilégie, dont il goûte les « saveurs », « surgissent du rien, de la confusion » nocturne, elles sont « enfants de la nuit, que vient dorer le soleil d’une aurore éblouie. Elles s’éveillent à la façon dont la vague et l’écume se soulèvent pour crêter le grand néant de la mer, réfutant d’un signe étincelant cette obscurité des profondeurs qui pourtant les supporte et les nourrit d’ombre ». Elles semblent bien fragiles alors, bien éphémères, ces idées, flocons d’écume à peine soulevées par le vent, seulement visibles quelques instants au-dessus de l’immensité de la nuit, de ses profondeurs immaîtrisables. Prenons donc garde, nous enjoint encore Starobinski, Paul Valéry, « ce poète de l’aurore victorieuse est aussi un poète du soir et des lourdes minutes où l’être cède au vide et s’abandonne aux ténèbres, […] à cette revanche de l’ombre sur la transparence ».
Mais à nouveau, l’approche et l’entrée dans la nuit sont une forme de mort métaphorique (Jankélévitch parlait d’« éclairage mourant »). Certes, Starobinski admire en Valéry sa « profonde curiosité de l’événement qui occupe l’autre bord du sommeil », mais il voit dans celle-ci le « secret désespoir d’une conscience qui s’étudie jusqu’à imaginer sa perte ». Pour la « Raison autocratique, si libre et si fortement bandée » de Valéry, « le sommeil quotidien, où elle perd la domination d’un corps adoré, est une sorte d’outrage mortel, qui lui donne à prévoir sa dissolution dans l’absolu non-être ». Ainsi de cette forte illustration d’une telle mort violente : « Coucher du soleil. Ciel pur, le disque orange est tangent à l’horizon. […] Impression de solennité de ce passage. Il y a une sensation d’exécution capitale dans la profondeur implicite de cette durée. La tête du jour lentement tombe. Le disque est bu. […] Chacun semble frappé d’avoir vu l’un de ses jours décapité devant soi. »7
L’œuvre de l’auteur de Monsieur Teste apparaît finalement comme une lutte constante contre ces espaces nocturnes où s’efface la conscience, qui siège dans une tête violemment tranchée par la tombée du jour : « De toutes les lumières de son réveil Valéry cherche à se faire une arme pour transpercer la nuit dans ses œuvres, et pour se venger de cet océan confus qui le rejette au matin sur sa grève. »8
Tout comme l’ontogenèse imite la phylogenèse, tout comme le microcosme et le macrocosme sont miroirs l’un de l’autre, l’avancée du soir et le processus du mourir s’équivalent. Le sommeil nocturne, « océan confus » assimilable à la mort ? L’idée est ancienne, on l’a dit : on la trouve déjà dans le Phédon (XVI) de Platon: Socrate, partant du parallèle entre « s’assoupir » et « mourir », conduit son interlocuteur, Cébès, à accepter l’analogie entre « s’éveiller » et « revivre », d’où il tire l’affirmation de l’immortalité de l’âme. Égalité de proportion qui s’appuie sur une symétrie rigoureuse entre les instants de l’endormissement et de l’éveil. Reste à savoir si ce parallèle, qui résonne pour nous comme une évidence, est réellement pertinent.
On a vu que Valéry marquait sa préférence pour le matin. D’autres sont plutôt « du soir ». Ces choix sont-ils équivalents, ainsi que leur façon d’observer la nuit ? Rien n’est moins sûr, Claude Lévi-Strauss l’affirme : « Pour les savants, l’aube et le crépuscule sont un seul phénomène […] Cette confusion exprime bien le prédominant souci des spéculations théoriques et une singulière négligence de l’aspect concret des choses. […] En réalité, rien n’est plus différent que le soir et le matin. »9
Quelle serait-elle alors, cette différence ? Souvenons-nous de la chouette de Minerve qui, selon la fameuse formule de Hegel, « ne prend son vol qu’au début du crépuscule »10. La métaphore dit la position continûment seconde de la philosophie, qui « vient toujours trop tard », ajoute Hegel. Plutôt que la mort, la tombée du jour, ce serait alors le vieillissement. Événement subit, jour « décapité » de Valéry ? Processus bien davantage, appréhendable dans sa durée.
Et, précisons-le, sénescence qui n’est pas toujours perçue de façon négative. Minerve-Athéna, la déesse du savoir, n’autorise l’envol de son oiseau-emblème que dans la lumière tamisée du crépuscule, en ces moments où peut s’exercer la patience du philosophe. Lucidité « tardive » certes, commente Henri Peña-Ruiz, mais le sens n’émerge-t-il pas seulement lorsque « la vivacité du soleil » a cessé d’aveugler le regard ?11. Le constat semble amer, empreint de mélancolie ? Il est pourtant « sans cruauté ni regret » : quand « s’estompent les formes » au soir, la pensée peut enfin « s’affranchir des mirages et des limites de l’urgence ». Et ce n’est que lorsque le tableau du peintre est achevé que se dévoilent sa vérité, son sens, ce n’est que « quand les couleurs de la vie s’estompent et se fondent » que l’oiseau nocturne s’élève dans le ciel. Alors, de son regard vespéral, serein et plein, la déesse aux yeux pers (c’est-à-dire capable de voir dans l’obscurité, comme la chouette) embrasse la journée qui s’achève et doucement s’éteint, la récapitule, comme dans cette évocation de la romancière allemande Herta Müller : « […] ces soirées d’été vers lesquelles toute la journée se dirige jusqu’à ce qu’elle soit lasse et décline entre les yeux »12
On peut le dire hégélien alors, Claude Lévi-Strauss, lorsque, dans le fameux passage célèbre de Tristes tropiques déjà cité, il décrit un coucher de soleil. Y est marquée la différence entre celui-ci et son lever : Le premier « est un prélude », le second « une ouverture qui se produirait à la fin au lieu du commencement comme dans les vieux opéras ». L’aube, ce « n’est que le début du jour », bien peu de choses en somme. Tandis que le crépuscule… Il est « une répétition » de tout ce qui s’est passé durant la journée, « une image en réduction des combats, des triomphes et des défaites qui se sont succédés pendant les douze heures » antécédentes. Vacuité du côté du matin, condensation, complétude du soir… Voilà qui expliquerait que « les hommes prêtent plus d’attention au soleil couchant qu’au soleil levant »13
D’un côté gens qui, comme Valéry, sont du matin, de l’autre gens du soir, à l’image de Lévi-Strauss ? Il est temps de vérifier, de voir si les positions sont si tranchées, si, à l’intérieur même de ce qui peut apparaître comme des choix de vie, il n’y a pas des nuances à apporter, des modulations pareilles aux nuages qui, au lever comme au coucher du soleil, infléchissent, voire détournent le cours d’un ciel bleu…
La mythologie grecque permet d’esquisser un premier tri. La chouette de Minerve s’élève dans le ciel lorsqu’apparaissent les Hespérides, nymphes du Couchant, qui sont filles de la Nuit (Nox). Elles habitent l’extrême Occident, au bord de l’Océan, du côté du Maroc actuel, au pied du mont Atlas, leur père. C’est vers l’obscurité nocturne qu’est ici tiré le soir.
À l’autre bout de la nuit, tandis qu’un autre oiseau, le coq, se manifeste par son chant, l’Aurore (Eos) de « ses doigts de rose » colore le Ciel avant l’arrivée du char d’Hélios, le Soleil. Sœur de celui-ci et de Séléné (la lune), Eos participe du jour comme de la nuit, sans toujours privilégier le premier.
La mythologie paraît donc marquer une différence entre le couchant, orienté vers la nuit, et le levant dont la nature, duelle, serait de jour et de nuit mélangée. Mais par ailleurs et d’un autre point de vue, le soir est multiple (les Hespérides sont cinq), alors que le matin est unique (Eos).
Toutefois, comme presque toujours dans la mythologie, les choses ne sont pas si tranchées, et les traditions sont mobiles. Voyez par exemple ce passage de L’Odyssée, lors des retrouvailles d’Ulysse et Pénélope14 : « Ainsi la présence de l’époux était douce à Pénélope qui le contemplait et ne pouvait du cou de son mari détacher ses deux bras blancs. Et Aurore aux doigts de rose les eût trouvés pleurant, si une idée n’était venue à Athéné, la déesse aux yeux brillants [pers] ; elle prolongea la nuit arrivée à son terme et retint dans l’Océan Aurore au trône d’or, lui interdisant d’atteler à son char ses chevaux aux pieds rapides qui portent aux hommes la lumière, Lampos (« éclatant ») et Phaéton (« brillant ») ».
Athéna trouvait son temps au crépuscule du soir, au moment où elle autorise l’envol de sa chouette ? Voici que, retenant l’attelage d’Aurore, elle est aussi capable d’agir sur le crépuscule du matin en le différant pour protéger les retrouvailles d’Ulysse et Pénélope.
Voyez encore ce qu’il est dit d’Aurore dans Les Métamorphoses d’Ovide : la déesse « tient sous sa loi les confins du jour et les confins de la nuit ».15 Athéna n’est pas que du soir, Aurore n’est pas que du matin, elles ont un pouvoir sur l’autre bord du jour ou de la nuit… Il conviendra de ne pas l’oublier dans notre parcours à travers les écrits que nous allons lire.
On l’a dit, deux « événements » balisent le passage de la nuit au jour. L’aube marque l’arrivée des toutes premières pâleurs du jour qui progressivement dissipe les ténèbres nocturnes (c’est aussi le « potron-minet », anciennement « potron-jacquet » : le moment où le jacquet, l’écureuil, levant la queue, montre son potron, son « cul ». De l’écureuil matinal on est ensuite passé au chat…). Puis c’est l’aurore avec l’apparition des premiers rayons du soleil.
Et au soir ? Crépuscule tend de plus en plus à désigner l’intervalle de temps entre la disparition des rayons solaires et la tombée de la nuit. Pas de mots alors pour nommer l’entrée dans le crépuscule, puis sa sortie finale, quand la nuit a entièrement étendu son empire ? Il y a bien l’expression « entre chien et loup ». Elle désigne cette période où l’on ne parvient plus à distinguer les deux animaux, entre le moment où on lâche le chien de garde et celui où le loup met à profit l’obscurité complète pour se mettre en quête d’une proie. Leiris montre bien le caractère incertain de ce laps, de cette zone franche qui relève du jour autant que de la nuit : « Se promener un soir d’été, à l’heure dite d’entre chien et loup (confins du jour et de la nuit en même temps que zone frontalière du monde de la veille et de celui du sommeil) »16 .
C’est à nouveau chez Lévi-Strauss qu’on va trouver une distinction plus opérante : « Il y a deux phases bien distinctes dans un coucher de soleil. Au début, l’astre est architecte. Ensuite seulement (quand ses rayons parviennent réfléchis et non plus directs) il se transforme en peintre. »17. Le soleil architecte ? C’est qu’au soir, quand s’allongent les ombres, « la lumière faiblit et fait apparaître des plans à chaque instant plus complexes. La pleine lumière est l’ennemie de la perspective, mais, entre le jour et la nuit, il y a place pour une architecture aussi fantaisiste que temporaire ». En somme, tout se passe comme si Lévi-Strauss prenait parti dans la fameuse controverse du XVIIe siècle entre les tenants de la forme (les « Poussinistes », en référence à Nicolas Poussin) et ceux de la couleur (les « Rubénistes », en référence à Pierre Paul Rubens) : pour lui, c’est le dessin qui arrive en premier. Puis vient la couleur. A moins que ce soit le soleil lui-même qui choisit son camp dans la querelle ?
On se gardera, là encore, de trancher. Retenons qu’on dispose maintenant d’une ébauche de typologie. D’un côté, l’architecture puis la peinture, de l’autre l’aube puis l’aurore. C’est muni de ces clés qu’on va entrer dans l’univers des écrivains et des poètes.
Matinal : L’être – preuve de moralité.
Gustave Flaubert, Dictionnaire des idées reçues
Du côté de chez Valéry, de « l’orthographe diésée » de Jankélévitch, il y a ceux qui du matin se réjouissent. Ils sont tournés vers l’est, le levant, comme l’église du Moyen-Âge, « orientée […] vers les premières lueurs qui viennent dissiper les anxiétés nocturnes, vers cette lumière que chaque jour, dans les frissons de l’aube, le cycle de la liturgie salue par la louange de l’éternel »18 Au chant du coq la nature, dit-on, s’éveille. Elle s’ébroue, éteignant les dernières étoiles, secouant les derniers filaments de nuit encore retenus par les branches des arbres : « Sa joie secrète, la conquête de l’aube. Alors les étoiles les plus rebelles luttent à ne pas disparaître dans la bouche gourmande d’une lumière envahissante où va s’installer le jour. […] Surprendre les griffes rétractiles du soleil qui écorche la nuit agonisante. Enlever le crêpe de toutes choses mortelles. » Puis, assez vite, c’est l’aurore que l’écrivain haïtien Frankétienne célèbre : « Le soleil, à travers des flocons de nuages blancs, ouvre immédiatement ses paupières alourdies après un long sommeil. Il se détire de l’ankylose d’une nuit. »19
De tels matins nient la nuit, ennemie dont l’agonie doit finir au plus vite. Terreurs nocturnes, immémoriales sans doute, que l’aube estompe, puis que l’aurore achève d’éteindre. Ce sentiment est encore plus marqué quand la nuit est de guerre, violente, assourdie de bombes, comme pour Mahmoud Darwich, le poète palestinien, enfermé à Beyrouth lors du siège de l’été 1982 sous « la fièvre des métaux », du « fer qui hurle », « des obus qui s’abattent sur la cuisine ouverte au-dessus de la mer, répandant des senteurs de poudre et la saveur du néant ». Que faire d’autre qu’attendre l’« aube que porte le feu » ? On l’espère tant qu’elle « naît des sensations avant que d’être perceptible », on supplie : « Donnez-moi cinq minutes pour que je mette cette aube, ma petite part d’aube, sur ses deux pieds ». Comment remettre d’aplomb cette aube transpercée d’explosions, de déflagrations ? Darwich se raccroche à un infiniment petit, qui dans ces circonstances est immensément grand : « Je veux l’odeur du café, je ne veux rien d’autre que l’odeur du café. […] Il est aube vierge et silencieuse. » Cela tourne à l’obsession, se faire un café apparaît comme le seul moyen de s’approprier l’aube du jour qui s’annonce : « Ne fais pas attention aux roquettes, aux obus, aux avions ! Telle est ma volonté : je ferai se répandre le parfum du café afin de faire mienne cette aube »20 Garder coûte que coûte la maîtrise de ce début de jour que tente de lui voler la guerre et sa fureur, « saisir ma part d’aube », ne pas prolonger en terreurs diurnes celles de la nuit précédente pour « [se] préparer à entamer cette nouvelle journée née des lamentations », tout cela est dans l’odeur du café que Darwich veut à tout prix sentir, malgré la difficulté, le péril (« Comment atteindre la cuisine » au bout de l’étroit couloir balayé de fumée, de gravats ?).
Un texte de Léon Paul Fargue résonne avec celui de Darwich. Assis sur la banquette fatiguée d’un bar des faubourgs parisiens, Fargue est « assiégé de café noir, seul et dernier vestige de la nuit ». Comme chez Darwich, à la nuit qui finit le noir du café fait écho, « jus de nuit que des mains d’esclaves ont recueilli goutte à goutte dans le verre des désespérés »21. Ce désespoir il le refuse, le poète palestinien, pourtant prisonnier de sa maison bombardée : « Faire mienne cette aube », dit-il de manière volontariste… La formule pourrait être contresignée par d’autres écrivains, dans des circonstances moins dramatiques.
Communier de manière intime avec le point du jour, c’est ainsi ce que fait l’anglaise Katherine Mansfield : « Vivre – vivre ! Et le matin parfait, si beau, si frais, qui se prélassait dans la lumière et donnait l’impression de rire de sa propre beauté, sembla murmurer : Pourquoi pas ? »22 Ou le poète suisse Gustave Roud : « Une vérité s’est levée en moi, pareille à cette pâleur d’horizon quand l’aube dégage de l’ombre sans violence le visage, les mains du marcheur nocturne et desserre doucement sa gorge nouée. »23 Avec l’aube, de l’aube s’éveillent les sens. Couleurs, sons, odeurs (l’Aurore-Eos de L’Iliade est « voilée de safran »24) s’exhalent de la nuit encore si présente, prégnante ?)
Parfois certains lieux paraissent élus pour favoriser un tel accord avec l’aube et l’aurore. C’est ainsi au bord de la mer descendante, lorsque, « au petit matin », « l’eau et la nuit en même temps se retirent », que la promenade de Julien Gracq lui permet de percevoir « la fraîcheur lavée des platures à marée basse, […] où bouge et tournoie l’odeur d’un monde naissant. »25. L’auteur du Rivage des Syrtes, lui aussi, fait sienne cette aube, ici océane et liée à la marée : « Une respiration neuve et inconnue pour quelques instants nous habite, […] plus native que tous les souvenirs d’enfance. »
Peut-être cette impression (qui est volonté dans le cas de Darwich) que l’aube est à soi tient-elle en partie à « l’ankylose de nuit » (Frankétienne), aux « derniers vestiges de nuit » (Fargue) qui subsistent au matin, maintenant embrumé le monde qui lentement se découvre. Se pourrait-il qu’on soit encore dans le rêve ? Dans A l’ombre des jeunes filles en fleur le narrateur, lors d’un voyage en train, s’éveille dans une incertitude encore toute empreinte de nuit : « A un moment où je dénombrais les pensées qui avaient rempli mon esprit pendant les minutes précédentes, pour me rendre compte si je venais ou non de dormir […], dans le carreau de la fenêtre, au-dessus d’un bois noir, je vis des nuages échancrés dont le doux duvet était d’un rose fixé, mort, qui ne changera plus, comme celui qui teint les plumes de l’aile qui l’a assimilé ou le pastel sur lequel l’a déposé la fantaisie du peintre. »26 Fixité, immobilité des couleurs matinales ? Fausse impression, rapidement contredite : « Mais je sentais qu’au contraire cette couleur n’était ni inertie, ni caprice, mais nécessité et vie. Bientôt s’amoncelèrent derrière elle des réserves de lumière. Elle s’aviva, le ciel devint d’un incarnat que je tâchais, en collant mes yeux à la vitre, de mieux voir. » Bien réveillé maintenant, le narrateur observe le paysage qui s’anime, les couleurs qui se modifient, le procès matinal de glissement de la nuit au jour qui se déroule, avec ses reculs, retour à la nuit quand le point de vue, au sens propre, se déplace : « La ligne de chemin de fer ayant changé de direction, le train tourna, la scène matinale fut remplacée dans le cadre de la fenêtre par un village nocturne aux toits bleus de clair de lune, avec un lavoir encrassé de la nacre opaline de la nuit, sous un ciel encore semé de toutes ses étoiles. » Retour à la nuit, mais qui n’est pas pour autant dénué de couleurs ? Elles sont dues au clair de lune. Un nouveau changement de perspective permet finalement à l’avancée du jour de reprendre son cours : « Je me désolais d’avoir perdu ma bande de ciel rose quand je l’aperçus de nouveau, mais rouge cette fois, dans la fenêtre d’en face. » Si bien que le narrateur, pour « rentoiler les fragments intermittents et opposites de [s]on beau matin écarlate et versatile et en avoir une vue totale et un tableau continu », court d’une fenêtre à l’autre jusqu’à l’arrêt à la gare suivante.
Proust détaille ici la succession des « impressions soleil levant » : lorsque les rêves nocturnes se dissipent, au réveil, l’ancien dormeur éprouve le sentiment d’une brusque sortie des incertitudes qui les accompagne (plus haut, le narrateur se compare, endormi, à « quelque poisson qui dort dans la mer, promené dans son assoupissement par les courants et la vague »). Moment fugace, très vite effacé, la vie, sa nécessité se manifestent dans le flamboiement progressif de la couleur rose des nuages, virant à l’incarnat – progressif certes, mais non exempt de retours en arrière vers la nuit qui résiste, selon la position et le regard du spectateur. C’est peut-être bien un caractère de la nuit, cette obstination à persister face à l’impérialisme du jour. Lévi-Strauss parle du « passage très habituel, mais comme toujours imperceptible et instantané » du soir à la nuit27. Décrivant le jeu de son narrateur qui se précipite d’un côté à l’autre du wagon, Proust parvient à séparer, à distinguer des instants, presque de l’ordre de l’imperceptible, dans le passage de la nuit au matin et du matin au jour.
Les écrivains que j’ai cités ici, sensibles à l’instabilité de ces moments matinaux, de ces limbes où chaque fois renaît le jour, disent à leur façon cette « aube hésitante, fragile, incertaine de sa capacité à imposer sa présence », cette aube qui est « à peine une fissure, une fêlure, une brèche dans la nuit ».28 De tels matins, guère architectes encore en ces instants, ne dessinent pas les reliefs du paysage, les contours des arbres, les angles des murs. Ils sont encore « comme une buée d’un gris rosé, une transparence lumineuse mais floue, vibrante », à peine éclose : ils sont décidément plutôt artistes peintres que bâtisseurs, sur fond de nuit, obscur décor au spectacle du levant.
Chez Novalis, ce ne sont plus par de pâles couleurs que le matin se manifeste, mais par le « doux chuchotement » de « vieux arbres », « comme s’ils eussent voulu s’arracher les uns les autres aux visions nocturnes »29 Exalter ainsi le matin serait alors une façon cachée de fuir les terreurs nocturnes.
Comme si elle devenait une métaphore de ces peurs, les concentrant dans sa violence effective, la guerre, on l’a vu avec Darwich, ne fait que les amplifier. Si le matin alors permet, un tant soit peu, de s’en libérer, c’est pourtant aussi pour en révéler toute l’horreur, lorsque la pâleur du jour qui se lève n’a pas encore effacé toutes les traces des combats de la nuit : « L’aube s’indique, se délaie, s’empare de l’espace. Les murs de l’ombre, confusément, croulent. Une fois de plus nous subissons le grandiose spectacle de l’ouverture du jour sur la horde éternellement errante que nous sommes. »30 Le jour qui se lève est pareil à l’avancée dans les cercles de l’enfer de Dante : « On sort enfin de cette nuit de marche, à travers, semble-t-il, des cycles concentriques, d’ombre moins intense, puis de pénombre, puis de lueur morne. » Sortir des cauchemars nocturnes semble impossible : « Les figures demeurent grises et noires : on dirait qu’on s’arrache mal de la nuit ; on n’arrive plus jamais à s’en défaire tout à fait. » La nuit, obstinée, ne cesse d’empiéter sur le jour, lui imposant longtemps encore son emprise.
De même, dans l’Angola de la guerre d’indépendance contre le colon portugais, le matin chez Antonio Lobo Antunes hésite à être ce moment rassurant où les terrifiantes obscurités antécédentes disparaissent : « Avez-vous déjà remarqué comme le silence de quatre heures distille en nous la même espèce d’inquiétude qui habite les arbres avant la venue du vent, un frémissement de feuilles de cheveux, un tremblement de troncs d’intestins, l’agitation des racines des pieds qui se croisent et se décroisent sans raison ? »31 L’aube qui point est alors comme un abcès qui crève : « Le jour enfle par les fentes des persiennes, douloureux et lourd comme un furoncle, abritant en lui des pus d’horloge et de fatigue. » L’intervalle entre l’aube et l’aurore est particulièrement inquiétant, étouffant : « L’important, à Malanje c’étaient […] les minutes irréelles, poignantes, absurdes qui précèdent l’aurore, incolores et tordues comme les visages de l’insomnie ou de la peur […]. Avant le lever du jour, vous savez ce que c’est, toutes les villes s’inquiètent, se rident d’inconfort comme les paupières d’un homme qui n’a pas dormi, épient la clarté, la naissance indécise de la lumière, frissonnent comme des pigeons malades sur un toit, secouant leurs plumes nocturnes avec une crainte fragile et creuse dans les os. »32 Le soleil décoloré qui enfin apparaît n’est ici qu’architecte froid, impersonnel, ne dévoilant qu’un monde replié sur lui-même comme un vieux visage ridé : « Le premier soleil, pâle, orangé, comme s’il était peint au crayon sur le ciel d’argent délavé, trouve, en surgissant lentement de la confusion géométrique des maisons des places plissées, des avenues recroquevillées, des ruelles sans espace, des ombres dépourvues de mystère. »33
Aujourd’hui, la forte lumière matinale me fait l’effet d’un vase qui se brise.
Erri de Luca, Pas ici, pas maintenant.
On le voit dans cette dernière citation de Lobo Antunes : comme le soir pour Lévi-Strauss, le matin, même triste et dur, sait néanmoins se faire architecte, jouant avec les ombres, accentuant les reliefs. Mais architecte bien gauche : il a du mal à organiser l’espace qu’il révèle peu à peu en le dégageant de l’obscurité, les maisons restent dans une « confusion géométrique » avant que le soleil ne fasse apparaître des places « plissées » d’ombre, « des avenues recroquevillées, des ruelles sans espace ». Tout se passe comme si la ville exotique rechignait à s’ouvrir à la lueur du jour, à s’étaler dans la clarté de la lumière. Certes, écrit encore Lobo Antunes, « toutes les villes s’inquiètent » au matin, mais « Malanje, vous comprenez, se pliait en frémissant sur elle-même », « craignant le jour […] avec son poids insupportable de pierre »34.
Et pourtant, « l’éveil d’une ville […] est toujours […] un spectacle plus émouvant que la naissance de l’aurore à la campagne », nous dit cet autre écrivain portugais, Fernando Pessoa35. C’est qu’« il y a bien plus à espérer lorsque le soleil multiplie tous ses effets possibles sur les fenêtres, les murs et les toits, et donne vie à tant de réalités diverses ». Et Pessoa conclut : « Le matin de la campagne existe ; celui des villes promet. L’un fait vivre, l’autre fait penser. Et je sentirai toujours, comme tous les grands maudits, que mieux vaut penser que vivre ». On l’a compris : penser pour Pessoa, c’est organiser. C’est donc le matin architecte qu’il préfère, celui qui (re)construit les édifices de la ville au sortir de la nuit. Bâtisseuse alors, cette aurore qui repense l’espace urbain, alors que le levant à la campagne, seulement peintre, se contente « de dorer simplement d’abord d’une obscure clarté, puis d’une lumière humide, un peu plus tard enfin d’un or lumineux, les prés, la silhouette des arbres, la paume ouverte des feuilles ».
Décidément, l’arrivée du jour n’est pas toujours ce moment libérateur que tant d’écrivains « valéryens » exaltent. A l’instar du soir de Lévi-Strauss, le matin se veut d’abord architecte ? Il arrive, on l’a vu avec Lobo Antunes, que c’en soit un piètre, dont le glissement vers l’autre fonction, de peintre, n’efface pas les carences. En ces tristes levers du jour qui, loin d’effacer les angoisses nocturnes, les prolongent, on s’éloigne de la maîtrise aurorale de Valéry.
On se souvient peut-être que saint Augustin, pour expliquer la présence d’un certain futur, d’un avenir « qui n’est pas encore » mais qu’on « peut prédire d’après les signes présents qui sont déjà et qui se voient », privilégie, plutôt que l’exemple du soir annonciateur de la nuit, celui du matin : « Je regarde l’aurore, j’annonce le proche lever du soleil ».36 Il n’est pas sûr, on l’a vu, que « tous les matins du monde » soient empreints d’une telle certitude… En ces « minute[s] d’hésitation où la balance ne sembl[e] pas avoir de raison pour pencher d’un côté plutôt que de l’autre »37, il arrive qu’ils ne parviennent que très lentement, difficilement, à choisir entre l’obscurité et la lumière. D’où, au jour qui se lève, un sentiment bien souvent mêlé au mieux de doute, au pire d’inquiétude persistante.
Si, supposons-le, le matin se fait d’abord bâtisseur (la logique de la symétrie voudrait plutôt que l’ordre architecte puis peintre du soir s’inverse au matin en peintre puis architecte…), inaugurant les ombres multiples avec les premières lueurs de l’aube, marquant ainsi progressivement les reliefs que la nuit avait estompés dans son obscurité unifiante, ce n’est pas pour autant un moment toujours « coloré » de joie : le peintre ne suit pas toujours l’architecte. Un jour « las et mélancolique »38 peut naître de la nuit qui se refuse à complètement disparaître : « J’ai regardé la paysage qui peu à peu s’éclaircissait, comme si une brise ou une haleine angélique défaisait les brumes et les ténèbres, quoique en préservant, disons, le deuil propre au matin »39. L’aube, puis l’aurore ne parviennent pas toujours à enluminer le monde. Joseph Conrad détaille ainsi un matin dans « les îles » : « L’obscurité uniforme qui remplissait l’orifice du volet se mit à pâlir et à se moucheter de formes mal définies, comme si un nouvel univers était en train de s’élaborer à partir du chaos des ténèbres. Puis des contours apparurent, précisant des formes sans aucun détail, indiquant ici un arbre, là un buisson ; la noire ceinture d’une forêt au loin ; les lignes droites d’une maison et, tout près, la crête d’un grand toit. »40 Terne, dans une lumière comme éteinte naît le jour : « Le jour se leva rapidement, morne et accablé par le brouillard du fleuve et les lourdes vapeurs du ciel – un jour sans couleur et sans soleil : incomplet, décevant, triste. » Les figures (arbre, maison, toit…) qui émergent, on dirait ici qu’elles gardent des lambeaux de nuit accrochées à leurs basques, fantômes que le jour prolonge, trop lentement effiloche. Comme la lune qui se maintient dans le ciel diurne, la nuit résiste au jour, là aussi.
Même sentiment chez Louis Calaferte d’une lueur matinale comme gluante encore d’obscurité : « Le petit jour qui gratte, qui gomme soudain un coin de ce ciel sans horizon des villes. Tache volatile. Tache liquide. Comme un point d’impact en transparence sous la dernière vapeur de la nuit. […] Le petit jour écarquille son œil ensommeillé. Cheville enfoncée dans l’ombre. Les rues pâlissent. Glaire mouvante de la clarté sur la glycérine des trottoirs. Une lumière d’eau jade chenille le long des façades.»41 Et lorsque le jour finalement triomphe, c’est dans une cacophonie qui ne rassure guère après les effrois nocturnes : « En bas, à ras de terre, la nuit se tasse, encore compacte, soufflée par la fraîcheur nouvelle de l’air du matin. Le ciel s’épluche. Pureté du jour. Les bruits éclatent. Tintamarre. Moteurs. Ferraille. La talonnade de la foule broie la croûte du silence. »
De nos déambulations « entre loup et chien » (lorsque Marguerite Yourcenar décrit ces moments où, vulnérable et fragilisé par l’incertitude matinale, on se « déboutonne », elle inverse malicieusement la formule consacrée : « On atteignait l’heure entre loup et chien où les gens sensibles se confient, où les criminels avouent, où les plus silencieux eux-mêmes luttent contre le sommeil à coups d’histoires ou de souvenirs »42), que pouvons-nous tirer à propos de la nuit ? Que, de la nuit, dit finalement le matin ?
Nous avons fait de Valéry le modèle des écrivains « matinaux ». Le mot nous conduit tout naturellement à un autre poète, René Char : « La chance du poète, son devoir est d’être matinal, à l’aube de la création pessimiste, pour bien posséder à la fois la tendresse noire du passé et la révélation révolutionnaire du présent »43. Char, poète de la contradiction, pour qui de la nuit qui s’achève le matin conserve la tendresse afin de mieux soutenir le jour levant, et sa révolte au pessimisme lucide.
« Tendre est la nuit » : on peut choisir de retenir le titre de Scott Fitzgerald comme un slogan, qui dit la douceur de cette obscurité antécédente – passée, dit Char – que révèlent certains matins. A l’inverse, des derniers textes que nous avons lus émergent de tout autres caractères de la nuit : vicissitudes nocturnes (guerres, deuils, tristesse, lassitude), obscurité qui perdure au chant du coq, humide, duplique, tapie comme une bête qui, guettant sa proie, attend son heure pour la ramener dans son antre sombre. Telle, dans son ambivalence, serait la nuit que nous dévoile l’aube.
Qui ne se plaît à cheminer au crépuscule, quand la rencontre de la nuit avec la lumière et de la lumière avec la nuit fait éclater un prodige d’ombres et de couleurs ?
Novalis, Henri d’Ofterdingen
Retrouve-t-on, en fin de journée, cette même ambivalence, après que la nuit, patiemment, a attendu tout le jour pour rebâtir son empire ? De l’adret matinal passons à l’ubac, versant « Lévi-straussien » du monde, « entre chien et loup ».
Charles Dantzig est de ceux qui préfèrent la chute du jour. « Clarté de l’aube » ? Prétention, ironise-t-il, « gonflement de l’action qui se prépare ». « Clarté du crépuscule » ? Fin des horreurs diurnes, « expiration des meurtres qui s’achèvent ». Cette fois, la tendresse est du côté du soir : « J’ai toujours eu horreur de la clarté acide de l’aube, de ses promesses (de méchanceté), de son espoir (décevant). Combien plus agréables m’ont été les crépuscules et leur affabilité qui semblait préparer la tendresse. » Les gens d’action, ces brutes du jour, vont se coucher ; les « songeurs » restent debout, « prenant possession de leur domaine »44. Pour certains, le lever du jour, c’est le moment où les spectres nocturnes, terrifiants, disparaissent ? Pour d’autres écrivains, le soir est la promesse du monde des fantômes bienfaisants des rêves.
Ceux-là sont sensibles à ces soirées, souvent d’été, qui s’attardent, lorsqu’obscurité et lumière se jouent l’une de l’autre, se récréent en une partie de cache-cache amusé. Les matins chez Louis Calaferte étaient glauques, on l’a vu. C’est qu’il paraît bien préférer l’autre bout de la journée, d’un éclat plus assuré : « Soirs lumineux de l’été écarlate. Le ciel s’engorge. Languettes vertes et rouges. Œil fou, le soleil aveuglé d’or s’écrase en larmes, brûlant, derrière le parapet de la ville. »45 Dans ce jeu vespéral entre lumière et ombre, la première, rétive à s’éteindre, consent avec parcimonie à partager l’espace du monde avec la nuit, qui « met longtemps à se poser, en sourdine, parsème des granules d’ombre sur ce moule de clarté violente. Comme un voile de poudre. Si légère, si fine ». Où l’on retrouve, à nouveau, le soleil architecte, jouant de la lumière et de l’ombre pour mieux exacerber les reliefs, avant de se faire peintre et de colorer ceux-ci de toutes les lueurs du couchant.
Décidément, la distinction de Lévi-Strauss paraît très opérante, très juste, quand le crépuscule « ressemble à une explosion » de formes, puis de couleurs sous les « couteaux de lumière »46 que lance le soleil déclinant sur l’horizon.
Décrire les couleurs des ciels vespéraux ? C’est prendre le risque de tomber dans le poncif. Il n’est dès lors guère étonnant de voir le personnage peut-être le plus snob de La recherche s’y exercer. Legrandin prend la pose pour brosser le portrait des couchers de soleil normands, avec un côté « admirez la finesse de mes impressions et la richesse de mon vocabulaire » (exemple : à hortensia préférer le terme, plus rare, d’hydrangea) : « Il y a dans les nuages ce soir des violets et des bleus bien beaux […], un bleu surtout plus floral qu’aérien, un bleu de cinéraire, qui surprend dans le ciel. Et ce petit nuage rose n’a-t-il pas aussi un teint de fleur, d’œillet ou d’hydrangéa. Il n’y a guère que dans la Manche, entre Normandie et Bretagne, que j’ai pu faire de plus riches observations sur cette sorte de règne végétal de l’atmosphère. » Et Legrandin continue à filer la métaphore florale : « Dans cette atmosphère humide et douce s’épanouissent le soir en quelques instants de ces bouquets célestes, bleus et roses, qui sont incomparables et qui mettent souvent des heures à se faner. D’autres s’effeuillent tout de suite, et c’est alors plus beau encore de voir le ciel entier que jonche la dispersion d’innombrables pétales soufrés ou roses. »47. Clairement, et même un peu lourdement peintres, les couchers de soleil de Legrandin…
Le matin a l’aube et l’aurore, le soleil du couchant est successivement architecte puis peintre ? Il y a aussi ces moments du crépuscule qui se différencient encore davantage, se nuançant lentement de l’obscurité qu’ils préviennent, « à l’heure où la nuit s’enfonce dans la nuit, jamais d’un seul coup, […] une nuit qui s’annonce jusqu’à l’épuisement, j’arrive, j’arrive, mais qui tarde à arriver, comme si, elle aussi, la mendiante, restait à contempler le crépuscule »48.
Calaferte évoquait l’éclat des soirs d’été… Il est aussi des lieux où la venue du crépuscule est vécue comme une bénédiction, après l’écrasement de chaleur de journées sans ombre : les déserts par exemple. Quand le crépuscule s’y « s’avance », le soleil, ce « vieil ennemi », plonge enfin « dans les brumes violettes de l’occident ». « Heure vespérale en sa douceur divine », où « le couchant, encore tout coloré de roses et d’ors, déjà s’estompe sous le voile de l’obscurité qui s’opacifie »49. Le soleil architecte allonge, détaille les formes, « monstrueuses dans la pénombre », tandis que peintre, il illumine le ciel de mille couleurs.
La distinction de Lévi-Strauss est alors aussi celle de deux éléments : la terre, territoire du soleil architecte, qui étire les ombres pour mieux détailler les objets, souligner le contour des choses ; le ciel, où il se fait peintre, bordant d’or les limites indistinctes des nuages, nuançant l’atmosphère de de toutes les couleurs de son spectre pour lequel elle se plaît au rôle du prisme newtonien. Le passage du soleil d’une fonction (architecte) à l’autre (peintre) serait alors aussi celui de l’éclairage, rehaussant d’abord les ombres terrestres avant d’épanouir le ciel en un bouquet final avant la nuit complète qui clôt la représentation (soleil metteur en scène pourrait-on dire encore).
Dans l’extase matérielle, J.M. G. Le Clézio s’attarde sur cette limite, qui n’en est pas une, entre le jour qui s’éteint et la nuit qui se lève : La flamme des rayons solaires de plus en plus rasants explore « la terre si dure, les ongles de la terre », s’emploie à préciser « les arêtes des arbres, les toits de tôle ou de ciment, les montagnes, la mer ». Et « tout cela qui était si lourd et si âpre, qui refusait de céder, de s’oublier, tout cela a été lavé d’un seul coup par un ciel vaporeux ». D’un seul coup ? La suite du texte montre que l’écrivain balance entre la sensation d’une telle soudaineté et celle d’une lisière qui dure : « Le paysage a été simplement vaincu, comme ça, par la présence de pourpre et de gris. […] Le soleil a disparu, et la nuit n’est pas encore venue. Instant béni, miracle qu’on n’osait plus espérer, mais qui tout à coup se produit sous vos yeux » d’un côté ; sensation d’un lent processus de l’autre : « La nature baigne dans l’immense volonté de déclin. […] Ce moment est le moment de la limite ; mais la limite est plus vraie et plus durable que ce qui a été avant, ou ce qui sera après ce glissement »50. Finalement c’est le crépuscule, « magique », qui « nage éternellement », où couleurs et lignes « se sont enfuies », où « chaque couleur, chaque dessin se sont doucement récusés ». Le soleil, après avoir accompli son travail de fin du jour, « éteint » enfin son « projecteur ». On le voit, Le Clézio – le sait-il ? – reprend, détaille les deux stades de Lévi-Strauss : lignes et dessins de l’architecte (au sol) puis couleurs du peintre (dans le ciel).
Qui mieux qu’un authentique peintre alors pour observer et traduire ces mêmes impressions vespérales ? Au début des années 1850, Eugène Fromentin, voyageant en Algérie et dans le Sahel, tombe sous le charme de ces régions semi-désertiques. Outre par une série de tableaux, il rend compte de ses expéditions dans un récit poétique. Fromentin y dit sa prédilection pour les moments du crépuscule : « Il y a une heure que je préfère aux heures lumineuses, […] c’est le soir, à la tombée de la nuit, le court moment d’incertitude qui suit immédiatement la fin du jour et précède l’obscurité. […] Le côté du couchant nage alors dans des lueurs violettes ; les architectures deviennent singulières, et le ciel, qui peu à peu se décolore, semble, l’une après l’autre, les faire évaporer »51. Le soir, d’abord explicitement architecte, se métamorphose ensuite pour quelques instants en peintre qui estompe doucement les contours avant que le ciel nocturne finisse par occuper l’espace.
On se doute bien que l’entrée dans la nuit n’a pas toujours la face tranquille que lui donne Le Clézio, ni le soir le visage rassurant peint par Fromentin, et que dit encore Erri de Luca : « Vers le soir, toutes les formes possibles s’apaisaient en lignes de rouge où le soleil descendait, appelant tout le ciel à se déchirer, à disparaître »52.
Le crépuscule, léger, se répandait partout autour de nous comme une toile d’araignée. Les formes étaient encore là mais les couleurs avaient disparu ou tourné au gris.
Karl Ove Knausgaard, Jeune homme
Je trouve un premier exemple d’une vision tout autre chez le grand écrivain symboliste russe Andreï Biély. La colombe d’argent, roman de 1909, raconte le parcours chaotique du héros, dans le monde russe du début du XXe siècle. Darielski tombe sous la coupe d’une secte mystico-millénariste plus ou moins révolutionnaire (Biély lui-même, plus tard, devint adepte de la secte anthroposophique de Rudolf Steiner). Simultanément, le livre décrit le déclin de l’empire tsariste, secoué de révoltes et de révolutions plus ou moins avortées.
Déclin d’une civilisation ? Sans doute est-ce pour cela qu’on trouve dans ce roman bien davantage de scènes crépusculaires que matinales. L’analogie, si commune, entre une vie humaine ou le parcours d’une civilisation et la durée d’une journée, de l’aube de la naissance au crépuscule de la vie qui s’achève dans la nuit de la mort, y est sans cesse reprise et orientée vers ce destin tragique et inéluctable.
Au début du livre, la description détaillée d’un coucher de soleil se veut pourtant un tableau serein : « Le soir pur planait et flottait au-dessus du village, il déposait sur les buissons, les herbes, les chaussures, les baisers consolants de ses larmes estivales, quand le ciel diurne, sans trace d’azur ni de gris, se solidifia en une voûte d’un bleu sombre. »53 On se rend compte pourtant à quelques indices que le moment n’est pas si paisible, que les éléments qui composent le soir dans le tableau de l’artiste, architecte autant que peintre, sont porteurs d’une sourde menace : « Au même instant l’occident ouvrit tout grand sa gueule et engloutit la flamme et la fumée du jour ; il exhala les aériennes draperies rouges et flammées du couchant, et en tapissa les encoignures et les toits des isbas, les angelots sculptés, les buissons. » Le soir apparaît comme une sorte de dragon inversé, qui avale le feu du soleil avant de le recracher dans d’inquiétantes tentures où s’étouffent les formes.
Plus loin dans le roman, c’est « en guise d’adieu » que le soleil au soir « étale sa queue dorée »54, que, « fatigué […] il se vide de son dernier feu »55. Finalement, le chemin que décrit le livre, déclin d’un homme et d’une civilisation, est imagé par un dernier couchant cette fois explicitement décrit comme ne pouvant qu’aboutir à la mort : « Les petits nuages se sont brûlé les ailes », comme celles de l’amour, ils ont été réduits « en cendres aériennes, en poudre ; […] des tas de cendres menaçants se sont abattus, venant du couchant […] ; bientôt toute cette obscurité trouble, tout cet air brûlé bleuira, noircira comme le visage d’un mort. »56 « Souviens-toi que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière » : c’est ce que dit Dieu à Adam lorsqu’il le chasse de l’Eden… Fin logique, et macabre, du tableau chez Biély : « Le jour – belle pomme juteuse – a pourri dans la soirée, et déjà la pourriture du soir essaie d’entrer par les fenêtres, elle se déverse sur les gens qui sont debout devant le seuil de l’isba, si bien que leurs visages bleuissent et noircissent comme ceux des morts ».
Au soir de la vie : la formule consacrée (elle compte, avec « les étoiles et les yeux, la femme et la fleur, le temps et l’eau, le sommeil et la mort » parmi les « combinaisons triviales » répertoriées par Borges dans son Histoire de l’éternité57) assimile la vieillesse au crépuscule, faisant de celui-ci un moment empreint, au mieux d’une mélancolie irrépressible, au pire d’un côté funèbre comme dans les dernières images de Biély. Triple, quadruple parcours alors que celui de son roman : déclin d’un homme, d’une civilisation, qui s’exprime aussi, d’une façon parfois à peine métaphorique, dans le détail de cette gradation des images du couchant, d’une douceur initiale un peu inquiétante jusqu’aux frappantes images finales, lorsque le jour pourrissant du soir donne aux visages qu’il éclaire encore la figure des cadavres qu’ils seront bientôt.
Le peintre romantique allemand Philip Otto Runge avait pour projet de réaliser quatre toiles, représentant les quatre âges de la vie en parallèle avec les quatre moments de la journée : matin, jour, soir, nuit (il n’a achevé que le premier). Je retiens, parmi les idées qui sous-tendaient le travail de Runge et que détaille la spécialiste du romantisme allemand Ricarda Huch, celle qui a trait au soir : il est « la négation illimitée de l’existence à l’origine de l’univers »58. Le soir, négation illimitée de l’existence… Aux heures vespérales, toutes les promesses matinales sont réfutées. Tel est, pour certains artistes, le drame qui se joue au jour « déclinant », puis « mourant » : « L’irrésistible Nuit établit son empire, / Noire, humide, funeste et pleine de frissons ; / Une odeur de tombeau dans les ténèbres nage », écrit Baudelaire dans « Le coucher de soleil romantique ». Plusieurs poèmes des Fleurs du Mal mettent complaisamment en scène le spectre, l’ombre de la mort qui rôde au crépuscule, attendant son heure, nocturne, forcément nocturne : « Sous une lumière blafarde / Court, danse et se tord sans raison / La Vie, impudente criarde » (« La fin de la journée ») ; « Cependant des démons malsains dans l’atmosphère / S’éveillent lourdement, comme des gens d’affaire, / Et cognent en volant les volets et l’auvent. / […] C’est l’heure où les douleurs des malades s’aigrissent ! / La sombre Nuit les prend à la gorge ; ils finissent / Leur destinée et vont vers le gouffre commun » (« Le crépuscule du soir »). Les soirs baudelairiens sont tournés vers la nuit qu’ils annoncent, oblitérant le jour qu’ils achèvent de tuer – ce qui leur donne ce même caractère lugubre qu’on a trouvé chez Biély.
Encore un vers de Baudelaire : « Le soleil s’est noyé dans son sang qui se fige » (« Harmonie du soir »). Un autre poète, Vladimir Maïakovski, reprend l’image dans sa pièce de théâtre intitulée Vladimir Maïakovski : « Le couchant, boucher sanglant, / éventre le cadavre des nuages59. L’harmonieux soir coloriste de Lévi-Strauss se mue ici en sauvage qui se repaît du sang, jusqu’au sien, qu’il répand. Rouge combat qui a lieu dans le ciel tandis que sur la terre abandonnée le soleil travaille en architecte, froid, sec, avant de définitivement céder la place à la nuit, que quelques ombres ultimes, spectrales, comme sur la ville de Bagdad décrite par Alfred Döblin : « « Le soir était descendu sur Bagdad. Les rayons rouges du soleil s’étaient éteints, plus un scintillement sur les minarets, les coupoles, les toits des maisons, la surface de l’eau, les palmiers avaient perdu leur éclat, seules des ombres se détachaient encore sur la vaste surface du ciel coloré. »60Puis le soir finit par « prendre le noir dans son filet » pour « le répandre sur le ciel » où petit à petit « se risquent les étoiles ». C’est la nuit, suite – et fin – inéluctable.
Avec ces écrivains, ces poètes, on entre de plein pied dans le monde de la « bémolisation » de Jankélévitch, monde « déjà nocturne » où « l’éclairage mourant » est « tourné vers la nuit », écrit le philosophe61. Moins attentifs à la récapitulation du jour qui pourrait être une façon de considérer le soir, ou à l’explosion des couleurs que Lévi-Strauss privilégie, ils tirent le crépuscule vers son futur nocturne. Davantage sensibles aux architectures soulignées par les ombres qui s’allongent sur la terre qu’à la palette colorée du ciel à la tombée du jour, c’est l’obscurcissement du monde qu’ils soulignent à l’envi : « S’en vient le soir/ Qui pose sa capuche/ Emplie d’ombre. / Sur toute chose, / Tombe le silence »62.
L’homologie crépuscule-vieillesse fonctionne à plein. Le soir est ici tout entier tourné vers l’approche de la mort, de son silence éternel. Ainsi encore pour Robert Desnos, explicite dans sa comparaison : « Comme une main à l’instant de la mort et du naufrage se dresse comme les rayons du soleil couchant »63… Eternelle analogie entre l’avancée du soir et le processus du mourir – on retrouve à nouveau Platon. Couleurs encore ? Dans une dominante de gris morne alors, éteint : « Le soir était descendu sans une traînée de rouge au ciel, sans aucun des signes recueillant la beauté des heures changeantes du jour. Une pénombre noirâtre et triste tombait des nuages bas et du ciel brumeux commença à tomber une pluie silencieuse sur le jeune homme étendu. »64
Pour certains, ces ternes colorations envahissent même les journées entières, qui s’étirent comme si elles n’étaient que crépuscules prolongés. Après avoir décrit de manière clinique, dans Être sans destin, sa terrible expérience des camps nazis, Imre Kertesz raconte dans Le refus la vie dans la Hongrie communiste : « Il avait l’impression que tout le temps qu’il avait passé ici ne formait qu’un seul et même jour, avec certes des matins et des nuits, mais c’étaient ceux de la même longue journée monotone qui déclinait toujours les couleurs grises d’un crépuscule qu’il ne faisait qu’effriter avec sa lime, comme une ferraille inusable »65. A l’image, elle aussi presque obligée, de la longue « nuit totalitaire », Kertesz préfère celle, peut-être plus déprimante encore, d’un crépuscule terne, qui a à peine la force d’atteindre la nuit, espace d’une fragile liberté faite de « lambeaux d’un rêve commun »66, et susceptible d’échapper à l’emprise du pouvoir totalitaire. Mais une telle nuit semble ne jamais venir, les journées s’écoulent, interminables comme des soirs qui commenceraient dès le début du jour. Chaque instant semble une éternité molle, la vie apparaît comme « un immense gaspillage, des conditions difficiles, une lutte – pour quoi d’ailleurs ?67 Pour quoi se battre en effet, puisque même « l’ennui est impuissant comme un combat » dont de toute façon la fin est la mort ?
Il n’est plus question de couchant architecte, jouant avec les ombres pour amplifier les reliefs, les volumes. Ne reste qu’une « armée d’ombres en déroute »68. Gracq, encore lui, détaille cette petite mort quotidienne qui préfigure la grande, ce glissement progressif vers l’absence de reliefs de la nuit, quand les dimensions de l’espace sont ramenées à une surface plane où s’éteignent les couleurs, noyées d’ombres : « La lumière des sommets qui regardent le soleil longtemps et se dorent à lui par-dessus l’épaule des vallées touche encore les escarpements modestes des toits et des cheminées, semble dilater autour d’eux l’espace allègre et revigorant qui baigne le plus haut pont d’un navire. Puis une grisaille cendreuse pleut du ciel décoloré ; la succession si nette des plans s’abolit et le sentiment de la profondeur s’envole ; il ne reste plus qu’une image plate et terne, décalquées contre la vitre, qui pâlit et se fane distraitement derrière les rideaux : le théâtre sans prétention des gouttières, des mansardes et des cheminées replie et enroule son cyclorama, ses toiles et ses portants. »69 Vous pouvez rentrer chez vous, le spectacle est terminé.
Chez ces auteurs, le soir est le monde de l’ombre, où l’architecte n’a presque plus son mot à dire : « Les ombres jetées dans le jardin étaient si longues et si déformées qu’elles n’avaient pratiquement plus de ressemblance avec les formes qui les faisaient naître. Comme si elles grandissaient d’elles-mêmes, comme s’il existait une réalité parallèle de la pénombre. »70
Le soir, bémolisé, est tourné vers la nuit postérieure : « Oh, n’est-ce pas pour ça que les ombres s’allongent le soir ? Elles s’étirent vers la nuit, cette marée d’obscurité qui déferle sur la terre et comble pour quelques heures leur aspiration d’ombres. »71 Tous ces écrivains du soir, tournés bien davantage vers la nuit qui arrive que vers le jour qui s’éteint, nous conduisent à voir dans le crépuscule la mort qui s’annonce, synonyme de la nuit. Approche paisible et douce comme une sérénade, glissant lentement, sereinement vers celle-ci pour les uns ; annoncée par l’emprise des ombres sur les couleurs, angoissante et triste comme un assombrissement pour les autres. Les seconds, saisis peut-être par le sentiment du néant, semblent davantage craindre le couchant, son aura crépusculaire – que les premiers au contraire célèbrent.
Pour les uns, lorsque la nuit se lève, les passions diurnes, perdant de ce qu’on croyait être leur importance, s’apaisent. Pour les autres, c’est le moment de « la nuit obscure de l’âme » mystique, sœur jumelle de la mort.
Or voilà qu’achevant ainsi mon périple aux deux bouts de la nuit, un doute me vient. Certes, ce voyage à travers tous ces textes, si variés, a permis de dégager certains traits de cette moitié nocturne de nos vies. Mais ceux-ci ne sont-ils pas orientés par la grille de lecture privilégiée ? D’autres critères choisis pour sérier tous ces matins et ces soirs n’auraient-ils pas conduit à mettre en avant de tout autres caractéristiques de la nuit ?
Par exemple en se faisant davantage géographe. Pessoa préférait « l’éveil d’une ville » à « la naissance de l’aurore à la campagne ». On pourrait poursuivre dans cette voie en distinguant davantage les lieux. Car il est vrai que le Beyrouth de Darwich n’est pas la Malanje angolaise de Lobo Antunes, ni la jungle de Borneo de Conrad celle des tropiques brésiliens de Lévi-Strauss, etc. Nul doute qu’à adopter un point de vue davantage géographique nous aurions été conduits ailleurs.
On aurait aussi pu se servir d’une grille plus météorologique, ou climatique. Les textes auraient alors été triés par saisons, par ciels, bleus ou nuageux, par temps, brumeux ou dégagé, comme autant de décors pour la pièce de théâtre que jouent le matin et le soir sur leur fond.
Et on aurait encore pu partir des explications scientifiques : quand le soleil est plus bas sur l’horizon, au matin ou au soir, la lumière traverse une plus grande couche d’atmosphère, dont les particules dévient davantage la couleur bleue que dans la journée (le bleu ayant une longueur d’onde très courte, il est plus sujet à dispersion – d’où le bleu du ciel diurne). Cette couleur bleue a alors tendance à disparaître au profit du rouge, de l’orange, du jaune, aux longueurs d’onde plus grandes.
Tels ne furent pas mes choix – mené peut-être par l’impression qu’à privilégier un « sentiment géographique » (pour reprendre le beau titre de Michel Chaillou) ou météorologique, rapprocher des écrivains aussi dissemblables aurait été sans doute plus difficile, tant ceux cités sont souvent éloignés dans le temps comme dans l’espace ou les climats.
Subsiste encore une dernière incertitude : et si la discrimination choisie, placée sous les hauts patronages de Valéry et de Lévi-Strauss, avait un caractère un peu artificiel ? Si finalement soir et matin, c’était quand même, sinon presque la même chose, du moins des moments symétriques dans leur déroulement ? Le rapprochement de deux textes poétiques de Philippe Jaccottet me conduit à ces questions.
Le premier est extrait d’A travers un verger :« Quand on part très tôt, avant que le soleil ne soit dans sa force, on croit surprendre, au bord de la route vide, le sommeil des prés. Quelque chose de nocturne, d’humide et de frileux s’attarde à l’orée des bois de chênes, et aussi une sorte de silence. […] Au petit jour. Le vert sombre du figuier, le jaune d’un arbre plus lointain, les taches de vigne, et la brume. » Sensibilité atmosphérique du poète qui, cherchant le mot capable de dire ces instants d’impalpable transition entre la nuit et le jour, en choisit un bien particulier : « Le monde est alors autre, plus singulier peut-être qu’à aucun autre moment. Plus grave, oui, plus caché, plus intérieur. Le mot limbes. » Limbes : c’est le mot qui dans la doctrine catholique désigne le lieu de séjour temporaire des âmes des justes morts avant la venue du Christ Rédempteur. On pourrait faire cette proposition : et si l’on réservait dorénavant le mot de « crépuscule » au soir, comme c’est maintenant l’usage, pour utiliser celui de « limbes » pour ces moments équivalents du matin qui s’étirent de l’aube à l’aurore, quand le monde se fait « plus intérieur » ?
Or voilà que dans un autre texte, dans le Cahier de verdure, Jaccottet, méditant sur le crépuscule justement, ces limbes vespéraux pourrait-on alors dire, lorsque le soleil n’est plus visible mais que s’éclaire encore le paysage (« C’était le soir, assez tard même, longtemps après le coucher du soleil, à cette heure où la lumière se prolonge au-delà de ce qu’on espérait, avant que l’obscurité ne l’emporte définitivement »72, puise à nouveau dans le vocabulaire religieux pour dire ces instants. Il y a là, écrit-il, « une grâce ; parce qu’un délai est accordé, une séparation retardée, un sourd déchirement atténué ». Le parallèle se poursuit quand le poète retrouve dans le crépuscule l’intériorité matinale : « C’est aussi une heure où cette lumière survivante, son foyer n’étant plus visible, semble émaner de l’intérieur des choses et monter du sol. » Jour et nuit, lumière et obscurité finissent par se confondre, à tel point que s’en indifférencie l’origine : « C’était comme si les contraires se rapprochaient, se fondaient, dans ce moment, lui-même, de transition du jour à la nuit. » C’est « l’heure du glissement des choses les unes sur les autres, […] l’heure où quelque chose semble tourner comme une porte sur ses gonds »73.
C’est alors aussi bien au matin qu’au soir, en ces moments « où l’on passe un relais » que pour le poète, « des heures pendant lesquelles j’avais moi-même vécu, c’est-à-dire du jour, mais aussi de la nuit » pénètrent les choses, les lieux, les objets, leur donnant des couleurs, des parfums qu’« ils contiennent en suspens »74. En suspens, c’est-à-dire suspendus entre jour et nuit, ou nuit et jour, parsemés d’éléments qui viennent des deux côtés : ombre et lumière, couleurs et noir, aube et aurore, limbes et grâce mêlés.
On le constate : lorsque Jaccottet s’attache à caractériser certains matins, certains crépuscules, les mots qui lui viennent relèvent des mêmes champs lexicaux (vocabulaire religieux, intériorité). D’où le questionnement que j’évoquais : et si soir et matin étaient des moments aux spécifications finalement assez voisines ? Et si Valéry et Lévi-Strauss n’étaient pas si distants qu’on a fait mine de le croire en construisant entre eux (« matinaux » et « vespéraux ») une opposition peut-être un peu trop facile ? Si les « orthographes bémolisée et diésée » étaient somme toute beaucoup plus proches que ne le voulait Jankélévitch ?
Une pensée de Chamfort me suggère une méthode : « Toute métaphore fondée sur l’analogie doit être également juste dans le sens renversé. Ainsi, l’on a dit de la vieillesse qu’elle est l’hiver de la vie ; renversez la métaphore et vous la trouverez également juste, en disant que l’hiver est la vieillesse de l’année. » (Pensée n° CDXXVIII). Faisons comme l’auteur des Maximes : inversons les métaphores des écrivains – on pourrait proposer l’expérience aux oulipiens.
Soir, Elfriede Jelinek (Autriche) : « Le soir se couche sur la terre comme un chien, d’une patience infinie ».75
Matin : Le jour se couche sur la terre comme un chien, d’une patience infinie.
Cela « fonctionne » assez bien, on le voit. Poursuivons.
Soir, même romancière : Le jour « passe, définitivement, son masque de nuit ».76
Matin : La nuit passe, définitivement, son masque de jour.
Soir, James Baldwin (Etats-Unis d’Amérique) : La lumière « se replie sur elle-même avant de disparaître ».77
Matin : L’obscurité se replie sur elle-même avant de disparaître.
Décidément, cela a l’air de « marcher » – signe que les métaphores de Jelinek et de Baldwin sont « justes » alors, selon le critère de Chamfort (et d’Aristote, auquel l’auteur des Maximes fait explicitement référence). « Dans le sens renversé » elles sont en tout cas aussi frappantes – voire davantage ?
Même jeu, dans l’autre sens.
Matin, Blaise Cendrars (Suisse) : « Le crépuscule de l’aube efface une à une les étoiles ».78
Soir : Le crépuscule du soir allume une à une les étoiles.
Matin, Antonio Lobo Antunes (Portugal) : « Le matin dévore dans ses plis clairs le cœur scintillant du jour ».79
Soir : Le soir dévore dans ses plis sombres le cœur éteint de la nuit.
Tout aussi « justes », les métaphores de Cendrars et de Lobo Antunes. Tentons plus ambitieux :
Matin, journée, puis soir, Katherine Mansfield (Nouvelle-Zélande) : « Chaque matin, le soleil entrait et dessinait sur le mur de nouveaux carrés de lumière dorée. […] Le jour s’ouvrait lentement, lentement, comme une fleur et retenait le soleil longtemps, longtemps, avant de lentement, lentement se refermer ».80
Soir, nuit, puis matin : Chaque soir, le soleil sortait et effaçait sur le mur ses anciens carrés de lumière dorée. La nuit s’ouvrait lentement, lentement, comme une fleur, et retenait la lune longtemps, longtemps, avant de lentement, lentement, se refermer.
Ici on objectera peut-être : la nuit qui s’ouvre comme une fleur ? La métaphore est-elle vraiment « juste » ? Oui, si l’on sait qu’il existe des fleurs qui s’ouvrent le soir : elles s’appellent belle-de-nuit ou fleur-de-lune, galant-de-nuit ou silène penché entre autres…
Dernier exemple, dans une autre culture encore :
Matin, Keita Fodeba (Guinée) : « « C’était l’aube. Combat du jour et de la nuit. Mais celle-ci exténuée n’en pouvait plus, et, lentement expirait. Quelques rayons de soleil en signe avant-coureur de cette victoire du jour traînaient encore, timides et pâles, à l’horizon, les dernières étoiles doucement glissaient sous des tas de nuages, pareils aux flamboyants en fleurs ».81
Soir : C’était le soir. Combat de la nuit et du jour. Mais celui-ci exténué n’en pouvait plus, et lentement expirait. Quelques rayons de lune en signe avant-coureur de cette victoire de la nuit traînaient encore, timides et pâles, à l’horizon, les premières étoiles doucement glissaient sous des tas de nuages, pareils aux flamboyants en fleurs.
On va s’arrêter là. La démonstration paraît convaincante, et reprendre les exemples cités depuis le début de cette étude pour leur faire subir le même sort montrerait que la plupart des métaphores de nos écrivains sont « justes » au sens de Chamfort – au prix peut-être parfois de quelques acrobaties… La leçon à tirer de ce jeu ? Ce serait que soir et matin sont moments finalement assez « ressemblants », qu’aubade et sérénade sont musiques assez proches, comme le sont mâtines et vêpres ? Et, si l’on prolonge dans la même veine, nuit et jour seraient eux aussi de nature assez proche.
Dans La servante écarlate,Margaret Atwood s’interroge : « Comment se fait-il que la nuit tombe au lieu de se lever, comme l’aube ? Et pourtant si l’on regarde vers l’est, au coucher du soleil, on peut voir la nuit se lever, non pas tomber, l’obscurité monter dans le ciel depuis l’horizon, comme un soleil noir, derrière une couverture de nuages. […] Peut-être la nuit tombe-t-elle parce qu’elle est lourde, un épais rideau remonté par-dessus les yeux. »82. La fin du jour, porte qui se ferme au soir ? C’est tout aussi bien le début de la nuit, dont s’ouvre l’huis. Le matin, fenêtre du jour qui écarte ses vantaux ? Aussi bien volet de la nuit qui clôt les siens.
Face au parti-pris du jour, proposer alors aussi celui de la nuit. Le jour se lève, la nuit tombe ? Dire aussi : le jour tombe, au matin ; la nuit se lève, au soir. Au point du jour, au point de la nuit : c’est égal.
Ce qui donnerait peut-être un autre éclairage sur ce que peut être la nuit. Problème : cette dernière phrase montre que le langage reste prisonnier d’un tropisme diurne spécifique, qui empêche, quoi qu’on en ait, de faire toute la lumière sur la spécificité de la nuit, en toute lucidité. Comment en effet donner un assombrissement de ce que peut être la nuit ? Comment faire l’obscurité sur elle, en tout aveuglement ? Je rejoue ici mon jeu oulipien précédent. Avec moins de bonheur, on le voit : Limites impossibles à franchir de notre langage, qui a tant de mal à parler de la nuit (cet atavisme héliotrope, Jacques Derrida l’a finement analysé dans un texte qui traite de l’origine métaphorique des concepts philosophiques. Or ce texte s’intitule La mythologie blanche : blanche, comme le jour précisément, où notre langage trouve son espace, ses bornes).
Bornes qu’on a ici cherché à approcher au plus près, en effleurant celles de la nuit que sont le matin et le soir, un peu comme on irait chercher l’ultime vérité d’un pays vers ses confins, par essence indéfinissables. Mais c’est précisément cet indéfinissable nocturne qui permet aux écrivains, à ceux que nous avons cités comme à tant d’autres, de déployer toute la richesse de leurs « justes » métaphores pour tenter de dire ces instants de bascule, ces lieux de passage que sont aube, aurore, crépuscules où jour et nuit se disputent la priorité, font l’échange de leurs prérogatives. Où la nuit finalement dévoile, un peu, de son mystère.
« Apparition disparaissante », c’est une autre expression de Jankélévitch pour parler de ces choses évanescentes qui sont au cœur de la vie, ce qu’il appelle encore « le presque rien ». C’est cette apparition disparaissante de la nuit, ce presque rien qui alors a lieu chaque matin, chaque soir, dont on a tenté de saisir quelque bribes, sans doute maladroites.
Phénomènes des deux crépuscules (ou plutôt des limbes et du crépuscule…) à la fois identiques et différents chaque jour ? Osons un dernier retournement : à la fois identiques et différents chaque nuit. Le domaine de l’obscurité nocturne ne prend pas moins de place que celui de la clarté du jour.
Marc Courtieu est un ancien professeur de mathématiques dans le secondaire. Membre de l’ILLE (Institut de Langues et Littératures Européennes), Université de Haute Alsace, Mulhouse (France). Il a poursuivi des études de philosophie dans les années 1980, puis soutenu en 2007 un doctorat de lettres modernes sur « L’événement dans le roman occidental du XXe siècle » à l’université de Lyon II, sous la direction de Jean-Pierre Martin.
Publications : Evénement et roman. Une relation critique, 2012, éd. Rodopi (Amsterdam/New-York). Nombreux articles et interventions sur différents thèmes : littérature et événement, récits concentrationnaires, science et littérature, écriture fragmentaire, littérature et silence, bégaiement et littérature, entredeux, la notion de frontière, le thème des vagues, etc. ; et sur différents auteurs : Armand Gatti, Antonin Artaud, Éric Chevillard, Thomas Pynchon, Claude Simon, Jean-Loup Trassard, Maurice Blanchot, etc…
Il habite à Die, dans la Drôme.
Sauf indication contraire, le lieu d’édition est Paris.
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7 VALERY, Paul, Tel Quel (1941), Gallimard, « Idées », 1971, 2 vol. (t. II), p. 108. C’est Valéry qui souligne.
8 STAROBINSKIS, op. cit., p. 593.
9 LEVI-STRAUSS, Claude, Tristes tropiques (1955), Plon, « Terre Humaine », 1980, p. 68.
10 HEGEL, Georg Wilhelm Friedrich, Principes de la philosophie du droit (1820), trad. de l’allemand par A. Kaan, Gallimard, « Idées », 1973, p.45.
11 PENA-RUIZ, Henri, Le roman du monde. Légendes philosophiques (2001), Flammarion, « Champs », 2004, pp. 384-386.
12 MÜLLER, Herta, Le renard était déjà le chasseur (1992), trad. de l’allemand par Cl. de Oliveira, Seuil, 1997, p. 89.
13 LEVI-STRAUSS, Ibid.
14 HOMERE, L’odyssée, trad. du grec par M. Dufour et J. Raison, XXIII, p. 246.
15 OVIDE, Métamorphoses, trad. du latin par G. Lafaye, Gallimard, « Folio Classique », 2016, VII-703,
p. 245.
16 LEIRIS, Ibid.
17 LEVI-STRAUSS, op. cit., p. 71.
18 DUBY, Georges, Le temps des cathédrales (1976), Gallimard, 2020, p. 336.
19 FRANKETIENNE, Mûr à crever (1968), Bordeaux, Ana éditions, 2004, pp. 137-138.
20 DARWICH, Mahmoud, Une mémoire pour l’oubli, trad. de l’arabe (Palestine) par Y. Gonzalez-Quijano et F. Mardam-Bey, Arles, Actes Sud, 1994, pp. 10-13, et p. 21.
21 FARGUE, Léon Paul, Haute solitude (1941), Gallimard, « L’Imaginaire », 1999, p. 170.
22 MANSFIELD, Katherine, La garden-party et autres nouvelles (1922), Gallimard, « Folio », 2014, p. 48.
23 ROUD, Gustave, Requiem (1967), Chêne-Bourg (Suisse), Zoé éditions, « Mini », 1997, p. 45.
24 HOMERE, L’Iliade, trad. du grec par E Lasserre, XXIII, p.235.
25 GRACQ, Julien, Lettrines 2, José Corti, 1974, p.180.
26 PROUST, Marcel, Du côté de chez Swann (1913), A l’ombre des jeunes filles en fleur (1918), A la recherche du temps perdu, t. I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, pp. 654-655.
27 LEVI-STRAUSS, op. cit., p. 75.
28 MAUVIGNIER, Laurent, Continuer (2016), éd. de Minuit, 2019, p. 183.
29 NOVALIS, Friedrich, Henri d’Ofterdingen (1802), trad. de l’allemand par Y. Delétang-Tardif, in Les romantiques allemands, t. I, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1963.
30 BARBUSSE, Henri, Le feu (1916), Cercle du Bibliophile, Non daté, p. 69.
31 LOBO ANTUNES, Antonio, Le cul de Judas (1979), trad. du portugais par P. Léglise-Costa, Métailié, « Suites », 1997, p. 148.
32 Ibid., p. 188.
33 Ibid., 196-197.
34 Ibid, p. 197.
35 PESSOA, Fernando, Le livre de l’intranquillité de Bernardo Soares, II (1982), trad. du portugais par F. Laye, Christian Bourgois, 1992, pp. 97-98.
36 AUGUSTIN (saint), Les confessions, trad. du latin par J. Trabucco, GF-Flammarion, 1988, Livre XI, chap. XVIII.
37 GUILLOUX, Louis, Le sang noir (1935), Gallimard, « Folio », 2015, p. 623.
38 SABATO, Ernesto, Alejandra 1961), trad. de l’espagnol (Argentine) par J.-J. Villard, Seuil, « Points », 1982, p.190.
39 BOLANO, Roberto, Les détectives sauvages (1998), trad. de l’espagnol (Chili) par R. Amutio, Gallimard, « Folio », 2015, p. 754.
40 CONRAD, Joseph, Un paria des îles (1896), trad. de l’anglais par G. Jean-Aubry, Gallimard, « Folio », 1999, pp. 284-285.
41 CALAFERTE, Louis, Septentrion (1963), Gallimard, « Folio », 2014, p.131.
42 YOURCENAR, Marguerite, Le coup de grâce (1939), Livre de Poche, 1974, ,p.135.
43 CHAR, René, MOUNIN, Georges, Correspondance 1943-1988, Gallimard, 2020, p.98.
44 DANTZIG, Charles, Dictionnaire égoïste de la littérature mondiale, Livre de Poche, 2022, p. 452.
45 CALAFERTE, Louis, Septentrion (1963), Gallimard, « Folio », 2014, p. 291.
46 WALLACE, David Foster, L’infinie comédie (1996), trad. de l’anglais (Etats-Unis) par F. Kerline, éditions de l’Olivier, 2015, p. 126.
47 PROUST, Marcel, op. cit., p. 130.
48 BOLANO, Roberto, op. cit., p. 452.
49 MONOD, Théodore, Méharées (1937), Arles, Actes-Sud, 2003, pp. 25-26.
50 LE CLEZIO, J.M.G., L’extase matérielle, Gallimard, « Le Chemin », 1967, p. 203.
51 FROMENTIN, Eugène, Une année dans le Sahel (1858), Plon, 1934, pp. 120-121.
52 DE LUCA, Erri, Pas ici, pas maintenant (1989), trad. de l’italien par D. Valin, Gallimard, « Folio », 2008, p. 97.
53 BIELY, Andreï, la colombe d’argent (1909), trad. du russe par A.-M. Tatsis-Botton, éditions Noir sur Blanc, 2019, p. 54.
54 Ibid., p. 178.
55 Ibid., p. 300.
56 Ibid., p. 367.
57 BORGES, Jorge Luis, Histoire de l’éternité (1936), trad. de l’espagnol (Argentine) par L. Guille-Bataillon, 10-18, 1975, p. 199.
58 HUCH, Ricarda, Les romantiques allemands, t. I (1946), trad. de l’allemand par A. Babelon, Pandora, « Essais », 1978, p. 221.
59 MAÏAKOVSKI, Vladimir, Vladimir Maïakovski (1913), trad. du russe par M. Vassiltchikov, Grasset, « Cahiers Rouges », 1989, p. 62.
60 DÖBLIN, Alfred, Voyage babylonien (1934), trad. de l’allemand par M. Vanoosthuyse, Gallimard, « L’Imaginaire », 2007, pp. 149-150.
61 JANKELEVITCH, Vladimir, La musique et l’ineffable (1961), Seuil, « Points », 2015, p.129.
62 STEFANSSON, Jon Kalman, Entre ciel et terre (2007), trad. de l’islandais par E. Boury, Gallimard, « Folio », 2017, p. 41.
63 DESNOS, Robert, Corps et biens, (1930), Gallimard, « Poésie », 1978, p. 100.
64 HOFMANNSTHAL, Hugo von, Andreas (1927), trad. de l’allemand par E. Badoux, Gallimard, « Folio bilingue », 1994, p. 149.
65 KERTESZ, Imre, Le refus (1988), trad. du hongrois par N. Zaremba-Husvai, Arles, Actes Sud, 2002
66 Ibid., p. 259.
67 Ibid., pp. 238-239.
68 Inès de la Cruz, citée par DANTZIG, Charles, Dictionnaire égoïste de la littérature mondiale, Livre de Poche, 2022, p. 272.
69 GRACQ, Julien, Lettrines 2, José Corti, 1974, pp. 12-13.
70 KNAUSGAARD, Karl Ove, Jeune homme (2010), trad. du norvégien par M.-P. Fiquet, Gallimard, « Folio », 2017, p. 64.
71 Ibid.
72 JACCOTTET, Philippe, Cahier de verdure (1990), suivi de Après beaucoup
d’années, Gallimard, « poésie », 2022, p.13.
73 Ibid., p. 14.
74 Ibid., p. 18.
75 JELINEK, Elfriede, Enfants des morts (1995), trad. de l’allemand (Autriche) par O. Le Lay, Seuil, 2007, p.38.
76Lust (1989), trad. de l’allemand (Autriche) par Y. Hoffmann et M. Litaize, Seuil, « Points », 1996, p. 122.
77 BALDWIN, James, Un autre pays (1962), trad. de l’anglais (américain) par J. Autret, Gallimard, « Folio », 1996, p. 265.
78 CENDRARS, Blaise, Bourlinguer (1948), in Partir. Poèmes, romans, nouvelles, mémoires, Gallimard, « Quarto », 2011, p. 1016.
79 LOBO ANTUNES, Antonio, Le cul de Judas (1979), trad. du portugais par P. Léglise-Costa, Métailié, « Suites », 1997, p.91.
80 MANSFIELD, Katherine, Journal (1927), trad. de l’anglais par M. Duproix, A. Marcel et A. Bay, Gallimard, « Folio », 1996, p. 302.
81 Fodeba, cité par FANON, Frantz, Les damnés de la terre (1961), Gallimard, « Folio », 1991, p. 274.
82 ATWOOD, Margaret, La servante écarlate (1987), trad. de l’anglais (Canada) par S. Tué, Robert Laffont, « Pavillons Poche », 2018, p. 319.